Les Estivants est le quatrième long métrage de fiction réalisé par Valeria Bruni Tedeschi à sortir en salles après Il est plus facile pour un chameau..., Actrices et Un château en Italie. Avec cette nouvelle réalisation comme ses autres films, Valeria Bruni Tedeschi a essayé de donner un sens à sa vie et de tendre un fil dans le temps. "Le cinéma me permet de remettre de l’ordre dans les évènements fondateurs et décisifs de mon existence. Mais il ne s’agit pas que de moi, c’est aussi le monde autour de moi que je raconte", confie-t-elle.
Pour Les Estivants, Valeria Bruni Tedeschi préfère parler « d’autobiographie imaginaire ». "Ces deux termes peuvent paraître contradictoires, je le sais : c’est justement leur alliance et leur tension, la contradiction qu’ils créent l’un avec l’autre, qui m’intéresse. C’est une « autobiographie inventée ». Avec Les Estivants comme avec mes autres films j’ai essayé de donner un sens à ma vie et de tendre un fil dans le temps. Le cinéma me permet de remettre de l’ordre dans les évènements fondateurs et décisifs de mon existence. Mais il ne s’agit pas que de moi, c’est aussi le monde autour de moi que je raconte. Ma « vie de cinéma » donne du sens à ma vie en général. Cette dernière m’est souvent incompréhensible, elle manque de sens. Cela m’angoisse. Une vie de cinéma donne un peu de sens, de lumière à la confusion, de voix à la douleur. Elle fait que les gens qui nous quittent peuvent revenir, que les morts peuvent être convoqués, que les souvenirs resurgissent", confie la cinéaste.
Valeria Bruni Tedeschi a travaillé sa mise en scène dans un espace fermé avec une caméra plus fixe que dans ses autres films. Elle laisse les personnages rentrer et sortir dans le champ sans les poursuivre. "Il y avait tellement de personnages à filmer que nous avons opté pour la simplicité, presque l’immobilité. Nous avons travaillé avec deux caméras assez fixes parce qu’avec cette tempête de gens et d’évènements, il valait mieux rester calme. D’autant que nous n’avions que sept semaines de tournage. Pour la scène de l’apéritif du début du film, par exemple, nous n’avions qu’une journée de tournage à notre disposition. Pour la scène du dîner, trois demi-journées. Alors que ce sont des scènes qui auraient demandé une ou deux semaines de tournage chacune. Mais je pense que les films gagnent parfois dans la contrainte. Je l’ai compris avec LES TROIS SOEURS qui a été fait en quatorze jours de tournage, avec peu de moyens et avec des acteurs imposés, un peu comme… un mariage forcé. Tout cela a été source d’inspiration, de joie, et de liberté. Dans LES ESTIVANTS, la contrainte qui me faisait paniquer – vingt et une histoires à raconter en sept semaines de tournage - m’a donné une obligation d’efficacité. J’aime les contraintes. J’aimerais d’ailleurs, dans mon prochain film, retrouver la contrainte de la pellicule que je n’ai plus eue depuis quatre films. Je trouve que c’est une contrainte parfois très bienvenue pour le réalisateur, les acteurs, et même pour l’équipe, au-delà du résultat esthétique : la pellicule crée une tension, un silence, et donne de la valeur à l’instant", analyse la cinéaste.
L’écriture du scénario et le montage ont été difficiles pour Valeria Bruni Tedeschi. Le film a été écrit en deux ans, avec Agnès de Sacy et Noémie Lvovsky. "Au départ le fait qu’il y ait autant de personnages a été un défi très joyeux. Mais nous nous sommes ensuite heurtées à plusieurs difficultés : les personnages n’arrivaient pas tous à prendre chair, les histoires ne faisaient pas assez écho les unes avec les autres, les émotions ne circulaient pas de façon assez nécessaire. Le tournage a ensuite été merveilleux. Puis le montage a de nouveau été une épreuve. Anne Weil, avec qui j’ai monté, a été comme une scénariste. On a vraiment réécrit le film au montage. Cela arrive souvent. Ce film a été particulièrement difficile à écrire et à monter alors que nous l’avons tourné dans un élan", déclare la réalisatrice.
Le documentariste Frederick Wiseman est présent dans Les Estivants parmi les membres du jury. Comme s’il donnait une touche documentaire au film. "Je m’étais demandée qui pourrait m’intimider le plus au monde dans cette commission ! Je voulais quelqu’un qui me mette en danger, avec un regard intelligent mais aussi très intimidant", confie Valeria Bruni Tedeschi.