Rachid Bouchareb avait le désir de réaliser une comédie, un "buddy movie", depuis longtemps. "Je n’avais ni idée ni réalité sur laquelle m’appuyer pour concrétiser un tel projet. En tournant un autre film aux États-Unis, j’ai rencontré un fonctionnaire de la police française à Los Angeles qui m’a appris que dans nos ambassades et nos consulats à l’étranger, il y a des policiers français qui traquent des criminels français. Ce flic m’a longuement évoqué le travail de son collègue de Miami spécialement affecté à la surveillance du trafic de drogue entre l’Amérique du Sud, la Floride, la France et les Antilles françaises. Cette information a été un point de départ : j’avais trouvé un univers à explorer, un sujet à traiter. Pour approfondir la question, j’ai lu des rapports et des coupures de presse sur le sujet, et j’ai découvert que les nouvelles routes du trafic de drogue passent par l’Afrique. Ce trafic bénéficie à l’entourage proche de certains dirigeants africains et engendre les mêmes faits divers que ceux décrits il y a quelques années au Panama, en Colombie et dans d'autres pays d'Amérique latine."
Pour écrire le scénario du Flic de Belleville, Rachid Bouchareb a fait appel au scénariste Larry Gross, auteur notamment des buddy movies cultes 48 Heures et 48 Heures de plus, avec Eddie Murphy et Nick Nolte.
"Le Flic de Belleville est sans doute à la croisée de L'Arme Fatale et L'Emmerdeur, interprétés par de très grands acteurs", fait remarquer Rachid Bouchareb. "Lino Ventura et Jacques Brel apportent une qualité de jeu très française et Mel Gibson et Danny Glover apportent une sensibilité très américaine. J’ai voulu que Ricardo, d'origine cubaine, incarne les États-Unis et que Baaba Keita, qui est black, représente la France, car avec eux, c’est notre monde qui avance ! Et c’est en cela que mon film se distingue des deux modèles du genre. Ceci dit, je souhaite que le public ait le même plaisir à être avec mes personnages que celui qu’il a eu avec Brel, Ventura, Mel Gibson et Danny Glover", ajoute le cinéaste.
Comme le film est une comédie policière d’action, Rachid Bouchareb souhaitait un tandem original et intéressant : "Luis Guzman et Omar Sy étaient faits pour être réunis. J’avais déjà réalisé un film avec Luis Guzman (La Voie de l'ennemi) et je lui avais trouvé un formidable potentiel comique. Je n’avais jamais travaillé avec Omar Sy mais je trouve que c’est un acteur talentueux avec lequel j’aimerais aussi tourner des films dramatiques. J’avais pour ce projet des idées précises en tête : le mélange des cultures, Paris en capitale multiculturelle, les déambulations de Baaba à Miami. Et je savais qu’à partir de là, ensemble on allait développer et faire des choses passionnantes. C’est ce qui s’est passé et j’ai éprouvé un plaisir quotidien à travailler avec Omar car son jeu est juste et précis", confie le metteur en scène.
Au milieu de la comédie policière, Rachid Bouchareb aborde des thèmes plus sombres comme le cynisme des dictateurs africains qui s'enrichissent sur le dos de leurs peuples. "Je me suis documenté pour réaliser ce film : j’ai lu des rapports d’Interpol, j’ai vu des photos d’avions détruits sur des pistes clandestines d’Afrique. En effet, les Boeings ne pouvaient être utilisés qu’une une seule fois et étaient ensuite détruits ! Dans certaines régions d'Afrique, on reproduit aujourd’hui les mêmes schémas que ceux connus en Amérique centrale et du Sud il y a quelques années, mais où le trafic est devenu très difficile à cause du renforcement des contrôles. Ce trafic par l’Afrique, dont les organisateurs gravitent dans les hautes sphères du pouvoir, ouvre des perspectives de nouveaux marchés auprès de la jeunesse africaine... Triste clin d’oeil de l’histoire ? Entre l'Afrique, l'Europe, et l'Amérique c’est une nouvelle forme du commerce triangulaire", analyse le réalisateur.
Rachid Bouchareb met en scène son 3ème films aux USA après Just Like A Woman et La Voie de l'ennemi. "C’est généralement le choix des sujets qui me conduit aux États-Unis. Dans La Voie de l'ennemi, qui se déroule en Amérique, j'abordais l’immigration, la construction du mur, l’islam aux États-Unis. Ce sont là des problématiques que je connais bien car elles font partie de mon environnement. Partir m’apporte une respiration, me libère d’un quotidien quelques fois usant : chaque lieu est un décor dans lequel je me régénère. Évoquer aux États-Unis l’immigration ou la conversion à l’islam m’a permis 9 d’explorer un monde nouveau. Je n’ai pas envie de ne tourner qu’à Paris, où je suis né. Mais pour Le Flic de Belleville, le point de départ du film est parisien et cela me permet d’évoquer Chinatown, la relation de Baaba à Lin, sa petite amie, à sa mère, à son ami joué par Franck Gastambide. Et c’est aussi un "voyage" au sein d’une multitude de visages, d’une multitude de cultures."