L’expression des sentiments n’est pas qu’une affaire individuelle. Dans certaines sociétés, les êtres sont invités à la réduire à la portion congrue, à éviter les effusions en public, les contacts physiques, la tendresse. On encourage la pudeur, en parlant de vertu, mais en faisant du mal bien sûr. Et puis les années passent. Le temps, agissant comme une locomotive qu’on n’arrêtera pas, emmène l’amour vers l’inconnu. Que deviendront la douleur, la tristesse, la frustration ? Les cœurs asséchés, oubliés, se tairont dans l’indifférence. Je préfère quant à moi les « I love you » intempestifs des américains, malgré leur part d’incongruité et de spectacle, parce qu’ils ne sont pas vides de sens et de bonheur, parce qu’ils tissent des liens plus doux, plus réconfortants que les silences et les mensonges des sociétés dures et froides. Bien sûr, critiquons ensemble et en chœur la superficialité du monde occidental et le consumérisme imbécile qui conduit des pauvres à se croire riches... Mais attention aussi aux tentations extrêmes. Je crois que la radicalité peut apporter du bonheur, dans un monastère bénédictin, dans un chalet du Vercors, à l’abri des fausses valeurs. Je n’en veux pas pour moi, mais j’imagine que la joie y est réelle. Et puis, ailleurs, la radicalité est mortifère, destructrice, et finalement vaine. Le film de Mohamed Ben Attia est à la fois majestueux sur le plan cinématographique, et bouleversant sur le plan dramatique. Il est bourré de sens et d’appels à l’aide, d’humanité, d’émotion... Du grand cinéma.