Après Les Petits princes, son premier et précédent long métrage sorti en 2013, Vianney Lebasque revient à la thématique sportive avec Chacun pour tous. Le comédien Ahmed Sylla reste, comme le cinéaste, dans le domaine du sport puisqu'il campait le personnage principal de L'Ascension, un jeune de cité qui, par amour, tente de gravir l’Everest. Le metteur en scène raconte :
"Cette fois, c’est le handicap qui m’intéressait avant tout. J’ai beaucoup appris au contact quotidien d’handicapés lorsque j’ai été président, il y a trois ans, du jury du festival de courts métrages sur le handicap à Cannes, Entr’2 marches. De plus, mes parents ont tenu un gîte de vacances pour enfants pendant vingt ans et il arrivait régulièrement qu’il y ait des enfants en situation de handicap. Ce qui a sans doute contribué à me sensibiliser sur le sujet."
Le pitch de Chacun pour tous (préalablement titré "Les Beaux esprits") est fortement inspiré du célèbre scandale des JO de Sydney survenu en 2000. L'Espagne y avait réussi les meilleurs Jeux paralympiques de son histoire en remportant 107 médailles et terminant troisième du tableau derrière l'Australie et la Grande-Bretagne. Mais il s'est avéré que son équipe de basket de déficients mentaux comportait en fait seulement deux joueurs handicapés sur douze... L'imposture a été révélée un mois après, lorsqu'un joueur a avoué ne souffrir d'aucun handicap tout comme de nombreux athlètes (une quinzaine) qui n'avaient même pas passé de tests au préalable.
Le film espagnol Champions, également sorti en 2018, se centrait sur un entraîneur-adjoint de l'équipe d'Espagne de basket qui se voit contraint, suite à une série de déconvenues, de devoir coacher une équipe de déficients mentaux. Un long métrage faisant écho au célèbre scandale des JO paralympiques de Sydney survenu en 2000. Si Champions parle d'une équipe de basket composée de joueurs handicapés, il ne s'agit en aucun cas d'une reconstitution de l'affaire.
Vianney Lebasque a gardé les grandes lignes du véritable scandale. Lors des Jeux Paralympiques de Sydney en 2000, dans l'équipe d'Espagne de basket réservée aux déficients mentaux, dix joueurs ne souffraient d'aucun handicap mental. Il explique :
"En finale, ils ont rencontré les Russes sur lesquels pesaient, aussi, une suspicion de triche. Et personne n’a vraiment eu intérêt à divulguer le scandale. Il est déjà si difficile de promouvoir le sport pour handicapés. En 2000, c’était la première fois que les athlètes handicapés étaient dans le même village que les valides. Mais personne dans les tribunes... Cela change, heureusement. A partir, donc, de cette histoire cynique, j’ai voulu raconter autre chose. D’abord qu’il n’est pas si aisé, finalement, de catégoriser les gens : la ligne est ténue entre les efficients et les déficients... Et, surtout, traiter des rapports humains qui s’établissent entre les vrais et les faux déficients mentaux dans les vestiaires, dans les chambres. De gentils losers comme Stan ou son pote Pippo vont découvrir la tolérance..."
Pour le rôle de l’entraîneur, à la fois charismatique, bien intentionné, mais pas toujours sympathique, Jean-Pierre Darroussin semblait une évidence pour Vianney Lebasque. Ce dernier a rencontré des gens qui travaillent avec des handicapés pouvant être bourrus, brusques avec eux, mais qui leur consacraient des mercredis entiers. Le comédien était ainsi parfait pour restituer ce mélange de maladresse et de bonté. Le réalisateur précise au sujet du reste du casting :
"J’avais beaucoup aimé Ahmed Sylla dans L’Ascension et c’était intéressant de le tirer vers le drame, et de faire l’inverse avec Olivier Barthélémy en lui proposant de la comédie. Le parfait duo moteur du film. Quant à Estéban, j’ai écrit ce rôle pour lui, on avait déjà tourné ensemble et je savais qu’il devait avoir une place de choix dans cette équipe. Il n’y a qu’un rôle féminin dans le film, et je voulais une actrice dont la personnalité, le caractère s’imposent d’emblée. Camélia Jordana a ce pouvoir d’équilibrer un casting masculin à elle toute seule ! Comme le personnage de l’entraîneur, elle incarne, aussi, la charge que peut représenter, au quotidien, d’avoir un parent handicapé. Mais elle sourit."
En compagnie de sa directrice de casting, Emma Skowronek, Vianney Lebasque a fait des recherches pendant quatre mois dans les ESAT et auprès des travailleurs sociaux pour trouver les jeunes interprètes handicapés. Le metteur en scène se rappelle : "Il fallait d’abord réussir à avoir accès à ces jeunes, les barrières administratives sont complexes il faut s’armer de patience. Ensuite, nous avons organisé des rencontres grâce à leurs accompagnants. Je leur demandais s’ils avaient envie de jouer, s’ils étaient motivés, j’essayais d’apprendre à les connaître mais ce n’est pas toujours facile en quinze minutes. On proposait alors aux plus motivés de venir passer un essai filmé... et soyons francs, nous sommes passés par toutes les phases durant ce casting mais nous avons persévéré car on savait que le sujet du film était là."
Au moment de l’écriture de la scène en question, Vianney Lebasque écoutait en boucle un morceau d’Elton John des années 1970, « Goodbye yellow brick road ». Le réalisateur confie : "Et j’ai même monté la scène avec ce son, en sachant qu’il me serait impossible de le garder. Les droits pour une chanson d’Elton John sont équivalents à ceux des Beatles : 100 000 euros minimum ! Le budget global de la musique sur mon film ! Alors, j’ai écouté et réécouté plein de morceaux, en quête d’une chanson qui soit à la fois du second degré et porteuse d’émotion. Demis Roussos, c’est nettement moins cher, et Rain and tears collait parfaitement : la pluie et des pleurs... La pluie de confettis de la victoire."
Vianney Lebasque se souvient comment il a trouvé Freddie et Yohan, joués par Vincent Chalambert et Clément Langlais : "Nous sommes tombés sur une compagnie de théâtre formidable, Le Théâtre du Cristal, dont le metteur en scène, Olivier Couder travaille exclusivement avec des acteurs en situation de handicap et qui arrive à un résultat exceptionnel. Nous avons assisté à un de ses spectacles : quel plaisir du jeu, du collectif ! Vincent et Clément faisaient partie de cette compagnie. J’ai d’abord repéré Vincent, qui avait un parler si mélodique et puis Clément, qui était déjà un acteur très complet. En fait, je ne connais pas précisément leur handicap, et je n’ai pas voulu le savoir. Olivier Couder a la même position, d’ailleurs. Le film essaye de dire cela, aussi : les différentes pathologies peuvent vivre ensemble, et ces handicapés sont des personnalités avant d’être des cas pathologiques."