Avec le thriller L'Ombre d'Emily, Paul Feig s’éloigne des comédies grand public pour lesquelles il s'est fait connaître comme Mes Meilleures Amies, Les Flingueuses, Spy ou S.O.S. Fantômes. Le metteur en scène explique pourquoi il s’est intéressé à cette histoire : "J’adore jouer avec différents genres, casser les codes et tordre le cou aux clichés cinématographiques pour me les réapproprier. Lorsque j’ai reçu le scénario de L'Ombre d'Emily, je me suis dit : "Bingo !" C’est exactement ce que j’attendais. J’ai toujours beaucoup aimé les thrillers, si bien que j'avais hâte de m’essayer à ce genre. Stephanie est l’un des personnages que j’ai le plus apprécié de porter à l’écran."
L'Ombre d'Emily est adapté de "Disparue", le premier roman de Darcey Bell publié en 2017 et qui s'est très bien vendu. Les droits pour la mise en chantier d'un film ont été achetés avant même la parution du livre. Peu de temps après, la scénariste Jessica Sharzer s’est attelée à son adaptation. Dès le début, elle a cherché à renverser l’intrigue de la femme en détresse, devenue un classique du film de divertissement : "On a vu beaucoup de ces histoires où on découvre tout à coup que le narrateur n’était pas fiable. Mais ce qui m’a plu dans le roman de Darcey, c’est qu’elle aborde ça différemment. Il reste profondément pince-sans-rire d’un bout à l’autre, et c’est surtout ça que je voulais montrer. Je tenais à ce que le film respecte les codes du genre, avec tout un tas de retournements de situation, mais qu’on le fasse de façon très consciente."
Pour rendre le film plus intéressant visuellement, Jessica Sharzer a fait de Stephanie la blogueuse une "vlogueuse". Si le livre alterne les points de vue, la scénariste a décidé que ce personnage serait au centre de l’action et dans toutes les scènes. On suit donc son parcours, à mesure que sa personnalité de maman battante est confrontée à un déluge sans fin de soupçons, de catastrophes et de conflits psychologiques. Sharzer éprouvait une affection sincère pour le personnage de Stephanie : "Je l’adore parce que c’est une vraie geek par certains côtés. Elle se donne beaucoup de mal, et pourtant elle sait que les autres mamans se moquent d’elle. Ses seuls vrais amis sont ses followers mais ce ne sont que des amis de substitution. Elle se sent donc seule, hantée par ses erreurs passées ; c’est ce qui la pousse à tenter d’être une maman parfaite."
Pour renforcer le contraste entre humour et angoisse de L'Ombre d'Emily, Paul Feig a décidé de tourner le film à la manière d’une comédie enjouée au coeur d’une banlieue résidentielle, plutôt qu’un drame au réalisme cru, malgré toute la paranoïa et l’adrénaline qui se dégagent de l’histoire. Le réalisateur indique : "Dans ce film, les scènes les plus palpitantes se passent en plein jour plutôt que dans des pièces mal éclairées. Dans les banlieues résidentielles, on ne peut rien cacher derrière les murs blancs et les grandes fenêtres. On voit ce qui s’y passe, du moins en apparence. C’est ça qui est aussi intéressant."
Pour concevoir l'ambiance paranoïaque au centre de L'Ombre d'Emily, le directeur de la photographie nommé aux Oscars John Schwartzman s’est inspiré de l'univers néo-noir de Blue Velvet de David Lynch. Il explique : "Je me suis intéressé aux couleurs éclatantes de ce film et je m’en suis nourri. Je ne cherchais pas à cacher quoi que ce soit dans les ombres. J’ai préféré mettre en valeur les décors et les accessoires et laisser les spectateurs comprendre leur signification".
À l’aide de la caméra dernier cri Panavision DXL équipée d'objectifs Panavision Primo 70mm, John Schwartzman tenait à jouer avec l’immédiateté des événements et faire partager aux spectateurs la stupeur que ressent Stephanie à la disparition d’Emily. Il s'est également amusé avec la dimension visuelle des blogs vidéo d’Emily. "On voulait que les spectateurs aient l’impression de suivre le blog de Stephanie. J’ai dit à Paul "Filmons Anna en train de tourner les scènes du blog et je les refilmerai ensuite en très haute définition sur écran géant". C’est ce qui a donné cette texture pixellisée. Il y a aussi de petits clins d’oeil dans chacune de ces scènes de blogs, ce qui les rend très drôles. Leur ton évolue au même rythme que le mystère", explique le directeur de la photographie.
La maison de verre d’Emily, ultra-moderne, a été découverte par le chef décorateur Jefferson Sage, qui travaille avec Paul Feig depuis Freaks and Geeks. Il confie : "La maison d’Emily devait être immaculée et haut de gamme. Elle est tout en volume, pleine d’espaces vides, avec de grandes baies vitrées et un simple jeu de lumière. La maison que l’on a fini par trouver possède un merveilleux sol en béton que l’on a pu utiliser pour déplacer les caméras dans toutes les directions. Il y avait beaucoup d’espace, ce qui était important car John Schwartzman est le roi des mouvements de caméra."
Au sujet des costumes, confectionnées par Renée Ehrlich Kalfus, Paul Feig voulait que Stephanie porte des habits très colorés, une manière pour ce personnage de camoufler ses démons intérieurs. La chef costumière estime que les deux personnages principaux ont beaucoup plus de choses en commun qu’au premier abord : "Elles sont intelligentes et se réfugient derrière une sorte d’armure et cela a servi de ligne directrice pour leurs costumes. Le personnage de Stephanie se pose en mère pétillante qui vit en banlieue et fait tout elle-même. Sa garde-robe évoque donc son côté banlieusard et attachant mais ses tenues s’assombrissent à mesure qu’elle comprend ce qui se passe. Emily est tout le contraire et s’habille presque comme Paul Feig : en costumes pour homme extraordinairement emblématiques. C’est un style percutant que l’on a accentué. On espère qu’elles conservent toutes les deux leur part de mystère, car cette histoire parle justement du fait que les gens ne sont pas toujours tels qu’on les imagine".