Love Addict répète, inlassablement, que « l’amour est enfant de bohème » et n’a « jamais connu de loi », à l’instar de son protagoniste principal, véritable don juan des temps modernes. Et là réside l’intérêt dudit film : le donjuanisme est-il encore possible dans une société où règne la diabolisation croissante de toute forme de séduction masculine ? Il n’est pas anodin que le métrage se construise sur des échos de l’opéra bizetien : il pose la question de l’obsession amoureuse, et la musique qui revient sans cesse traduit le désir, cet inépuisable désir qui condamne Kev Adams à succomber, encore et encore, aux femmes qu’il rencontre. En ce sens, Gabriel (au nom angélique) se rapproche davantage d’un Casanova, son amour n’étant jamais feint mais bien réel. Nous le voyons d’ailleurs corriger un chauffeur de taxi parce que ce dernier manque de respect à la femme qu’il transporte. Love Addict porte dans son titre le nom d’une maladie, d’une étiquette qui rangerait l’homme ainsi désigné parmi les marginaux contraints de se soigner pour trouver une place dans la société. C’est reconnaître que la séduction compulsive ne peut, aujourd’hui, qu’être traitée de façon clinique. De la mise sur écoute aux électrodes, du pot de miel aux interventions castratrices, tout est fait pour freiner l’art d’aimer, désigné telle une pathologie dangereuse pour l’ordre sociétal. Pourtant, si le film ne prône nul libertinage, il perce dans son chemin rédempteur quelques voies sinueuses où s’engouffre l’interdit. Et cet interdit, c’est Marie-Zoé, elle aussi marginale – elle vient d’être renvoyée pour faute professionnelle – et dont le prénom annonce d’entrée de jeu la surdose de féminin. Surdose d’indépendance, puisque ce personnage est le seul à ne pas nous être présenté par le regard de Gabriel, puisqu’il dispose de sa propre focalisation et n’hésite pas à lutter contre le masculin parasite (son petit-ami). Surdose hiérarchique, surtout, qui fait d’elle une proie inaccessible. Love Addict met donc en conflit deux points de vue hégémoniques incarnés par les deux sexes et autour desquels gravitent des cœurs perdus. Il n’aboutit au triomphe d’aucun, mais privilégie le risque et la liberté, conditions sine qua non de la rencontre : sur un lit d’hôpital, Marie-Zoé transforme son élève en amant pour impressionner sa mère, Gabriel renonce à rencontrer sa belle-famille et se rend à une soirée où il sera tenté par la femme de son patron. Curieuse façon de se ranger. Et pourtant unique façon de maintenir ardent un impétueux désir. En dépit de ses situations parfois très convenues et de la facilité de ses bascules dramatiques, Love Addict est la peinture burlesque d’un art d’aimer impossible et qui, dans la mesure où il se considère comme tel, s’accomplit.