Avec Gloria Bell, Sebastián Lelio réalise le remake de son propre long métrage, Gloria (2013), qui avait été choisi pour représenter le Chili aux Oscars 2014 dans la catégorie meilleur film étranger. Le metteur en scène explique : "J’ai bien entendu tourné Gloria sans me douter que j’allais en réaliser une nouvelle version cinq ans plus tard. Avec le recul, j’ai aujourd’hui l’impression qu’en 2013, Gloria était un peu en avance sur son temps et qu’il préfigurait, en quelque sorte, la place centrale des femmes dans notre société. Et j’ai le sentiment que cette nouvelle version est totalement ancrée dans son époque parce que nous avons eu cinq ans de débats et que l’aspiration des femmes d’un certain âge à être entendues, vues et respectées – et leur revendication à jouir de la vie – a soudain un caractère d’urgence."
Julianne Moore et John Turturro ont tous les deux joué dans le film culte des frères Coen The Big Lebowski, sorti en 1998.
Dans le rôle principal, Julianne Moore succède à Paulina García qui avait remporté l'Ours d'argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin 2013. Sebastián Lelio a rencontré la comédienne américaine à Paris, où elle était de passage. Il se rappelle :
"Après lui avoir expliqué que j’avais deux autres films à tourner, je lui ai demandé de me donner le temps de réécrire le scénario en anglais et de le transposer dans le contexte de Los Angeles. Après ce rendez-vous, j’étais à la fois enthousiaste et terrorisé – car qui tourne son propre remake ? Mais je pense que les tournages d’Une femme fantastique et de Désobéissance m’ont aidé car j’avais désormais le sentiment d’avoir davantage de légitimité morale à m’attaquer moi-même au remake. À donner une nouvelle vie à ce personnage grâce à une actrice épatante et à faire en sorte que cette histoire soit ancrée dans son époque. Après avoir vaincu mes appréhensions initiales à l’idée de diriger Julianne, je me suis surtout attaché à insuffler de la vie dans le film."
Pour Sebastián Lelio, Gloria Bell est une comédie musicale non assumée. Le cinéaste précise : "L’intrigue progresse au rythme de morceaux de musique et de chansons, un peu comme dans un musical. C’est un peu comme si les chansons qu’entonne Gloria et sur lesquelles elle danse révélaient d’autres aspects de sa trajectoire. Les paroles des chansons et les émotions qu’elles véhiculent font écho à son tumulte intérieur."
Sebastián Lelio ne pouvait pas filmer toutes les scènes où Julianne Moore chante au volant en une seule journée, parce que la circulation est infernale à Los Angeles et qu’il est très difficile de trouver une minute où la lumière est bonne et les arrière-plans satisfaisants. Le réalisateur se souvient :
"Quand j’ai rencontré Julianne pour la première fois, elle m’a dit à la fin de ce rendez-vous "ne t’en va pas, j’aimerais qu’on parle des chansons que Gloria est censée chanter. Accorde-moi seulement dix minutes". On s’est beaucoup amusés à l’imaginer en train de chanter les tubes d’Air Supply ou d’Olivia Newton-John. Et je dois dire qu’il n’y a pas de "plaisir coupable" dans les choix de ces chansons : elles sont toutes présentes parce que je les aime, soit pour une raison musicale, soit parce qu’elles appartiennent à un contexte culturel, soit parce qu’elles me rappellent quelque chose. Ce n’est pas par cynisme. Et il n’y a aucune ironie dans le choix de ces musiques : elles sont importantes pour Gloria, mais je les aime, moi aussi, si bien qu’elles contribuent à l’énergie qui se dégage du film et des scènes."