Au pays pas si imaginaire de la Caroline du Nord, les destins de deux enfants perdus se croisèrent.
Le premier, Tyler, était un jeune homme brisé par une tragédie lui ayant enlevé celui avec lequel il avait grandi. Sans véritable attache autre que le quai où il amarrait son bateau, il choisit de tout quitter lorsque le conflit l'opposant à une bande de pêcheurs rivaux prit soudain une tournure très dangereuse.
Le deuxième, Zak, était atteint du syndrome de Down et résidait dans une maison de retraite faute d'une autre institution dans la région capable de s'occuper d'un jeune adulte trisomique sans aucun parent proche. Obsédé par une cassette vidéo sur une star du catch qu'il se repassait en boucle, Zak n'avait qu'une idée en tête : s'évader pour partir rejoindre l'école fondée par son idole et devenir un champion de la discipline. Un soir, il parvint à prendre la fuite et se cacha dans un bateau non loin de là, celui de Tyler...
À la croisée de Peter Pan et de l'esprit des œuvres de Mark Twain, "The Peanut Butter Falcon" va donc mettre en scène l'amitié naissante entre ces deux hommes dans leur quête conjointe de liberté face aux forces qui sont à leur poursuite. En effet, pendant que Tyler tente d'échapper à deux pêcheurs revanchards (à la fois équivalents des pirates imaginés par J.M. Barrie et symboles des regrets qui ne cessent de dévorer son goût de vivre de l'intérieur), une employée de la maison de retraite part, elle, à la recherche de Zak afin de le ramener au sein d'un système n'ayant clairement pas pour but premier de réaliser les rêves de personnes qu'il juge en dehors de la normalité.
Dans cette partie de la côte est américaine où les marginaux de la société trouvent refuge dans un cocktail de pauvreté, de violence, d'alcool et de religion, la persévérance naïve de Zak va évidemment influer sur les êtres égarés ayant la chance de croiser sa route. À son contact, Tyler en sera la première heureuse victime, le rêve de son compagnon de fortune deviendra peu à peu le levier pour lui permettre de tourner la page sur le passé douloureux qui agissait telle une ancre sur son existence. Il irradiera ainsi une lumière de leur relation, une réciprocité de sauvegarde commune ramenant dans son sillage d'autres protagonistes vers un essentiel que leurs propres difficultés les avaient poussés à délaisser.
Le récit est classique, ne réserve guère de surprises (sinon son superbe final) et condamne sans doute le film à être mineur sur le long-terme mais, durant son visionnage, cet hymne à la liberté et à l'amitié devient aussi touchant pour le spectateur que le personnage de Zak peut l'être en son sein. Grâce un cadre où la pureté de la soif d'aventure régressive de ces héros semble se matérialiser à l'écran, "The Peanut Butter Falcon" nous fait ressentir tour à tour la force grandissante du lien de ce duo (puis trio) et la sincérité émanant de leur entraide, de leur volonté commune d'entretenir la flamme qui les anime dans l'adversité. La solidité de l'interprétation des trois acteurs principaux (Shia La Beouf, Zack Gottsagen et Dakota Johnson) n'est pas non plus étrangère à notre envie de les rejoindre sur leur frêle esquif en route vers le soleil de Floride, ils participent tous pleinement à donner une âme à ce "The Peanut Butter Falcon", un bien joli film que le public a récompensé justement en en faisant le succès le plus rentable du cinéma indépendant américain en 2019.