Avec Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, Ilan Klipper a voulu dans un premier lieu raconter comment il travaille. Le metteur en scène explique : "Dans un processus de création, on mélange des choses qu’on a vécues, d’autres qu’on a vues à la télévision ou qu’on a lues, d’autres enfin qu’on a totalement imaginées… Tout ça est là, en permanence, en train de tourner en rond dans sa tête, jusqu’au jour où on se décide à le coucher sur du papier. Je suis donc parti de ça pour raconter l’histoire de Bruno (Laurent Poitrenaux), un écrivain, seul chez lui, en peignoir, en pleine ébullition créative, qui doit faire face à une « intervention » de la part de ses proches qui le croient fou. Et il va mélanger tout ça à une histoire d’amour avec la psy qui vient potentiellement l’interner."
Ilan Klipper avait, par le passé, réalisé un documentaire à l’hôpital Sainte-Anne situé dans le 14e arrondissement de Paris et spécialisé en psychiatrie. Dans une certaine mesure, Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête se situe dans la continuité du documentaire parce qu'il est le troisième volet d’un triptyque sur l’errance psychique, la création et l’enfermement. Le réalisateur développe :
"Le premier volet, Sainte-Anne est un documentaire sans commentaire, sans interview, un film dur dans la lignée des films de Frederick Wiseman. Le second, Juke-Box (avec le chanteur Christophe), est un court-métrage de fiction assez aride dans lequel un musicien lutte avec ses démons intérieurs pour essayer d’accoucher d’un morceau. Dans Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête enfin, il est aussi question d’un homme qui ne sort pas de chez lui et qui est confronté à une hospitalisation à la demande d’un tiers."
Ilan Klipper définit Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête comme une tragi-comédie. Le cinéaste insiste cependant sur le fait que le film est toutefois difficile à classer puisqu’il comprend des moments réalistes, d’autres quasi fantastiques et poétiques. "J’ai essayé d’avancer dans la fabrication avec une totale liberté. J’avais envie de tenter des choses. Je crois qu’en ce moment je n’aime plus les films bien ficelés à tous les endroits. Je recherche au contraire les zones de fragilités. Les gestes", précise-t-il.
Au-delà de Ilan Klipper, le personnage de Bruno est inspiré de plusieurs artistes que le metteur en scène a croisés et qui sont à la limite de la marginalisation. "Dans les métiers de la création, si l’on ne perce pas vite, si l’on ne connaît pas un franc succès, les risques de se faire oublier avec les années sont réels. C’est ce qui est arrivé à Bruno. Jeune, il a connu le succès mais il n’a pas réussi à transformer l’essai. Puis les aléas de la vie l’ont fait doucement disparaître du monde de ceux qui réussissent… Beaucoup de gens incroyablement talentueux sont cloîtrés chez eux en ce moment même avec des chefs-d’oeuvre dans leur placard, j’en suis persuadé", explique Klipper.
Pour le personnage principal, Ilan Klipper cherchait un acteur très technique, capable de jouer sur de longues prises et sur plusieurs registres. Etant donné qu'il vient du théâtre, Laurent Poitrenaux correspondait à ces critères. "Il est toujours juste, il a une capacité de proposition incroyable. C’est dingue que ce soit son premier « premier rôle ». Il a par ailleurs un corps étrange, avec des bras très longs par rapport à son torse. J’avais toujours envie de le filmer torse-nu. Il sait être très beau. Je voulais un personnage physiquement ambivalent, un peu bizarre, mais potentiellement très séduisant", raconte Klipper.
"Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête" fait partie des dernières phrases de la Critique de la raison pratique de Kant, que Ilan Klipper trouve très belles. "« Deux choses remplissent le coeur de crainte et d’admiration, le ciel étoilé au-dessus de moi, et la loi morale en moi ». Le « ciel étoilé », c’est le transcendantal, ce sur quoi on ne peut pas agir. Je suis persuadé qu’il existe des forces sur lesquelles on n’a aucun pouvoir. Ce sont des lames de fond dans lesquelles on se débat, et qui nous emportent, qu’on le veuille ou non. Et en dépit de cela, il y a la « loi morale », l’immanent, les règles qu’on se fixe dans sa petite existence, et elles sont importantes !", développe le cinéaste.