En 2014 sortait Mange tes morts, film de Jean-Charles Hue , immersion dans une communauté des gens du voyage, les Yeniches, entre renouveau charismatique et chouravages…docu-fiction mais à peine, document ethnographique sans nul doute...Dans A Ciambra, le jeune réalisateur Jonas Carpignano s’est immergé dans une communauté rom de Calabre, vivant dans un faubourg de Gioia Tauro, dans des HLM délabrés, parmi les détritus …des migrants que nous avions croisés dans son précédent film Mediterranea ont trouvé refuge dans des abris de fortune…les deux populations se côtoient mais s’évitent. Jonas Carpignano a raconté qu’il avait rencontré le clan Amato après s’être fait voler sa voiture et son matériel lors du précédent film et avoir du négocier son rachat avec le clan...une scène identique figure d’ailleurs dans le film…rapines en tout genre, aventures échevelées sont le quotidien de Pio, jeune adolescent de 14 ans qui veut grandir vite et sans doute trop vite, fasciné par les grands frères promis à la prison, vivant parmi ses jeunes frères et sœurs qui fument , boivent dès leur plus jeune âge, livrés à eux-mêmes, ne sachant ni lire ni écrire, insolents avec leurs ainés…seule image apaisante, le grand père, ancien fils du vent qui a connu roulottes et chevaux, allégorie d’une époque révolue. Son grand frère Cosimo, mis en prison, Pio n’a de cesse de prendre sa place, montant ses propres arnaques, franchissant même la ligne rouge en volant les membres de la Ndrangheta, en affaire avec son clan ou trahissant plus précaire que lui. Seuls moments de détente, son amitié avec Ayiva, le jeune burkinabé, figure principale de Mediterranea, autre frère de misère, qui tente de le refréner et de le maintenir dans le droit chemin…le film repose comme le précédent sur une approche documentariste mais se montre plus abouti que Mediterranea. Les membres de cette communauté jouent comme ils respirent, les dialogues et la gestuelle sonnent juste, la caméra nerveuse saisit ce bouillonnement et cette vitalité et Pio Amato est formidable en rom qu’il est, déterminé à devenir grand, tout en restant fragile et maladroit…Il est de toutes les scènes et révèle une vraie présence à l’écran…Rien que pour lui, il faut voir ce film…en attendant A chiara, dernier volet de cette immersion parmi les exclus de toutes origines et les quartiers déshérités de l’extrême sud italien.