Elle est bien belle, cette jeune femme ironiquement prénommée Fortunata (la chanceuse) qui se débat dans des histoires complexes, tiraillée entre un mari violent et parfaitement stupide dont elle est séparée mais qui ne cesse de la harceler ; un ami bipolaire avec lequel elle rêve d'ouvrir un salon de coiffure et dont la mère (Hanna Schygulla ! quelle surprise !) est atteinte de la maladie d'Alzheimer ; un psy à qui Barbara, la fille du couple désuni, est confiée parce qu'elle souffre de troubles du comportement... Voilà qui relève du pur mélodrame à l'italienne tel qu'on a pu en voir des tonnes dans les années 60 et 70 avec personnages névrosés, gesticulations sans fin, hurlements à faire vibrer les murs d'un immeuble. Oui, c'est tout cet univers d'un autre âge qu'il nous est donné de découvrir dans ce dernier film de Sergio Castellitto qui ne cultive guère l'art de la nuance. Et pourtant, passé ce premier mouvement d'humeur, force est de reconnaître que le film est attachant. D'abord parce que Rome est merveilleusement filmée : pas de Colisée ni de place Saint-Pierre, mais un quartier populaire où les vestiges d'un aqueduc romain côtoient des immeubles de banlieue. Un radieux soleil d'été illumine ce petit monde où des communautés chinoises et arabes voisinent avec une population d'autochtones qui n'apprécie pas toujours cette amorce de melting-pot. Et puis la distribution a de quoi séduire. Jasmine Trinca campe à merveille cette femme constamment sur les nerfs qui assume avec les pires difficultés son statut de mère, d'épouse en instance de divorce, d'amante qui en pince pour le psy, mais aussi de coiffeuse à domicile qui ne cesse d'échafauder des rêves de promotion sociale. Du côté masculin, si Edoardo Pesce offre une interprétation caricaturale au possible de l'ex-mari violent et stupide, le beau Stefano Accorsi témoigne d'un jeu tout en nuances dans le rôle du psy amoureux. N'oublions pas non plus le duo Alessandro Borghi-Hanna Schygulla dans le rôle du jeune homme bipolaire et de sa mère allemande. Enfin, la petite Nicole Centanni s'inscrit dans la longue liste des enfants dont on ne peut oublier la présence et la finesse au cinéma. En définitive, un film qui, s'il appelle quelques réserves dans sa tonalité et dans son avalanche de situations mélodramatiques, n'en demeure pas moins une œuvre à découvrir qui montre que le cinéma transalpin n'est pas mort, loin de là, et qu'il peut offrir encore de belles surprises.