que ta joie demeure !
Cette Fortunata fait partie de ces femmes qu'on aimerait avoir comme amie : elle rit et pleure comme elle respire et fait souffler autour d'elle un air entraînant et libérateur. Elle a accroché ses rêves à une étoile. Mais, le sillon qu'elle creuse pour les atteindre n'est pas rectiligne. Elle papillonne, Fortunata, zigzague entre les ornières de son chemin, tout en gardant le cap. Elle veut arrêter de tirer le diable par la queue, arriver à ouvrir un salon de coiffure, plutôt que de courir de porte en porte, de faire des balayages sur le toit terrasse d'immeubles avec vue sur Rome. Un salon qui porterait son nom, pour forcer la chance, un salon qui serait mixte, partagé avec son copain tatoueur.
Elle veut que son ex, policier, lui foute la paix. Qu’elle n’ait plus à craindre ses débarquements intempestifs, son harcèlement incessant. Qu’il arrête de la rabaisser, de la mépriser, de la tenir pour une moins que rien. Elle veut arriver à se faire confiance. Elle veut que sa fille s’inspire des chinois, « qui sont les maîtres du monde » pour grandir, elle veut qu’elle arrête d’être en colère à tout bout de champ, qu’elle ne crache plus contre le monde entier. Elle la conduit donc en chez un psy, où elle aura beaucoup de mal à ne pas être intrusive. Un psy, qui jettera aux orties le code déontologique pour faire un bout de chemin avec elle.
Jasmine Trinca a reçu le prix d’interprétation féminine Un Certain Regard, Cannes – 2017. Je suis d’accord pour dire, comme certains, qu’elle a un air de famille avec Sophia Loren dans les films d’Ettore Scola. Elle porte le film et nous embarque avec elle. Mais, les rôles secondaires sont loin d’être négligeables. Hanna Schygulla perd joliment la tête et philosophe en parlant d’Antigone. Son fils, joué par Alessandro Borghi, ne sait plus comment apaiser cette mère qui part en vrille. C’est le tatoueur, copain de Fortunata qui aimerait être davantage. Beau dur au cœur tendre, il tente toutes les semaines leur chance au loto. Ce film un peu foldingue nous parle des relations mère/fille, fils/mère, fille/père, houleuses et tendres. De ce film qui fait du bien, qui requinque, je suis sortie en retenant une phrase que Fortunata lance à son copain en déambulant la rue bras dessus-bras dessous : « on ne va pas remonter la pente, c’est eux qui vont descendre… »