C’est un film de science-fiction tellement on peine à imaginer l’histoire. Il s’agit en effet d’un prof de Henri IV qui se retrouve missionné prof d’une banlieue difficile. C’est comme si un mandarin de médecine interne se retrouvait parachuté généraliste dans un désert médical. Ou comme si vous missionniez un bon ingénieur à la tête d’une entreprise qui périclite. L’idée a beau être des plus logique et ordinaire, elle est illogique et extraordinaire dans notre société française, trop souvent, qu’il s’agisse de l’industrie, de la médecine ou de l’éducation. Des critiques rageux (cf. Le Monde) disent que ce faisant, le film méprise inconsciemment le milieu qu’il filme : il faut être tordu pour rager de la sorte ! Ils rappellent d’ailleurs, juste ironie, des personnages du film comme ce prof de maths, pourtant jeune, dynamique et tout, mais qui, lui, méprise bien inconsciemment le milieu où il professe : il vaut mieux ne rien faire, laisser tomber, voire donner un coup de pouce pour que l’élève difficile se noie. Bien sûr le film a un petit côté documentaire, quand il relate par exemple la "résignation acquise", le test des anagrammes... Mais comment faire autrement ? Le film est un bon réquisitoire contre l’éducation, qui a demeuré en gros ce qu’elle était il y a 50 ans, et qui est la vraie cause de tous les problèmes actuels (entreprises mal gérées, déserts médicaux, désintégration sociale et culturelle, chômage). Ce film n’est pas davantage un "feel good movie", comme disent d’autres critiques au cerveau javélisé. Le film qui méprise inconsciemment le milieu qu’il filme, ou qui est un feel good movie, serait plutôt « Le Cercle des poètes disparus » de 1989, film intouchable. Ici le "unconventional educator" ce n’est pas (l’excellent) Robin Williams, c'est (l’excellent) Denis Podalydès, dont le leitmotiv est (devenu aujourd’hui) plus profond que le "Carpe Diem" du premier, s’agissant de se demander "comment donner le goût d’apprendre?" (car évidemment, ce goût n’est pas le même qu’il y a 50 ans avec les changements survenus dans le social, le culturel, le technologique…). Mais le film n’est pas une potion magique, il pose la question, donne quelques éléments de réflexion, et rien que cela, c’est méritoire, c’est chargé d’une juste émotion, même si c’est forcément incomplet (car comment suivre 30 élèves d’une classe et 30 professeurs d’un lycée?). Et à cela, il faut ajouter que tous les acteurs jouent bien, chacun dans son registre, quasiment sans exception, ce qui fait de ce film une exception dans la production française –même les gamins (qui parlent bizarre) ont une élocution parfaitement audible, et ça c’est un exploit, aujourd’hui!