D’un court-métrage à un autre et en travaillant en tandem sur « Psiconautes » avec Pedro Rivero, Alberto Vázquez vient étendre le portrait d’une guerre sainte, qui opposait déjà les licornes aux oursons dans « Sangre de Unicornio ». Si l’enrobage sucrée et colorée du projet peut en attire plus d’un, il faut également lui reconnaître une habilité dans le postulat qu’il défend. Le mignon n’est qu’une tenue de camouflage supplémentaire pour les animateurs, qui se donnent à cœur joie, de pouvoir investir la cruauté des vicieux animaux des bois dans « Happy Tree Friends ». On ôtera toutefois sa créativité dans l’humour, bien noir et bien écarlate, car toute la narration nous interroge sur la violence qu’il génère.
« Honneur. Douleur. Câlins. » L’absurdité de cette devise nous ancre immédiatement dans une ambiance référencée à « Full Metal Jacket ». Il ne sera donc pas étonnant de voir le cinéaste se pencher sur d'autres récits de la guerre du Vietnam, allant de « Apocalypse Now » au « Voyage au bout de l’enfer ». Pourtant, il serait très réducteur de s’arrêter là. La guerre réside également dans la foi et Vázquez n’hésite donc pas à puiser dans la Bible et autres récits mythologiques les différentes figures d’opposition, qui ont finalement donné naissance à ce duo d’oursons, fraîchement enrôlés, Célestin et Dodu. Frères de sang, leur rivalité peut mettre en doute cette fausse complicité que le cadet manipule à sa guise et à sa gloire. Dans le même mouvement, les couleurs vives du royaume des bisounours nous suggèrent un discours contradictoire, concernant les motivations de l’escadron suicide que l’on se prépare à envoyer au front.
Le décalage fonctionne habilement, entre les visages mignons et les ruptures de ton radicales, qui finiront par occulter tout espoir de retour vers la lumière. Là où on ne verra que des cœurs dans une vision édulcorée dans un premier temps, on viendra les arracher à même le torse par la suite. Le deuxième acte est à la fois guerrier et spirituel, n’épargnant personne au passage. Le dessin qui a servi de propagande, au préalable, se retourne contre les personnages, qui découvrent l’horreur de la guerre, une désillusion de trop pour l’un d’entre eux. Plus on avance dans la forêt magique, plus on retire de pansements, jamais assez larges pour cacher les raisons de la colère et de la culpabilité, notamment chez le frère cadet. Né dans la compétitivité avec Dodu, ce sont les mots de son père dépressif qui le convainc de se rebeller en permanence. Être au sommet du podium constitue une sécurité émotionnelle qui, selon lui, le protégera de la solitude qu’il cultive.
Dans le cas du plus grassouillet, il aura peut-être droit à la plus petite part du gâteau, mais c’est justement dans cet esprit que sa bienveillance triomphe, avant de le trahir. L’instinct bestial est derrière lui et sa générosité fait de lui le plus brave des soldats, si on peut encore lui accorder ce titre. Et qu’en est-il de l’ennemi ? Les licornes, noirs comme les ténèbres, sont finalement incompris par des chasseurs, venus verser et boire le sang de leurs victimes. Si leur vitalité dépend évidemment de la nature, leur survie tient pourtant à un fil. « Unicorn Wars » n’hésite pas à sacrifier ses paillettes pour un peu d’horreur, justifiant ainsi la présence d’une créature gluante, emprunté à Miyazaki. La fable atteint ainsi un paroxysme intéressant dans les derniers instants, où l’humanité serait à la fois la conséquence des deux entités, fraternelles et compétitives, une schizophrénie qu’il convient de tempérer.