Ayant acquis une certaine notoriété grâce à son travail sur les premières suites de la saga "Saw" pour le meilleur ("Saw II") et pour le pire ("Saw 4"), Darren Lynn Bousman a surtout marqué les esprits des fans du genre avec son attachant opéra-rock gore, "Repo! The Genetic Opera", en 2008. Depuis, le cinéaste poursuit dans le registre de la comédie musicale déviante à travers sa trilogie inédite en France, "The Devil's Carnaval", sur le point de se conclure et avec laquelle il parcourt les États-Unis pour des tournées de représentations-live. Sans doute dans l'optique de financer ce projet plus personnel, le nom du réalisateur refait régulièrement surface sur des produits horrifiques bien plus lambdas et souvent à destination du marché vidéo. Hormis un très sympathique remake de "Mother's Day" en 2010, sur ce côté plus commercial de sa filmographie, Bousman n'a certes jamais été un grand nom de la mise en scène mais on ne peut pas dire qu'il ait vraiment fait d'efforts pour le devenir en livrant une petit fournée de films médiocres comme "Eleven" ou "The Barrens". "St. Agatha" est donc le dernier rejeton de la facette la moins reluisante de sa carrière et, avec son imagerie de nonnes démoniaques mise en avant sur l'affiche, le film compte bien entendu surfer sur l'énorme succès de "La Nonne" de Corin Hardy pour ramener quelques billets verts plutôt que de révéler sa véritable nature de mini-revival de la "nunsploitation" qui fit les beaux jours de quelques titres bien connus des amateurs d'horreur dans les années 70...
En effet, même si elle tente d'entretenir une aura surnaturelle dans un premier temps, cette histoire d'un mystérieux couvent recueillant des femmes enceintes isolées va rapidement prendre la forme d'un survival où la jeune héroïne plus dégourdie que les autres futures mères de la bâtisse va tout faire pour échapper à l'emprise de ces nonnes autoritaires et sadiques. On peut reprocher ce qu'on veut à Bousman mais dès que le bonhomme en a l'occasion, il sait toujours faire preuve d'une générosité en matière de scènes-chocs teintées d'humeur noir, un peu gratuites parfois mais qui, ici, trouvent parfaitement leur place afin d'installer la folie autoritaire des dames en soutanes vis-à-vis de leurs "protégées".
Ainsi, pendant sa première partie, si l'on parvient à fermer les yeux sur un visuel partagé entre un hommage sincère aux atmosphères d'antan et une esthétique torchée à la va-vite avec des filtres de mauvais clippeur (aïe, en particulier les flashbacks avec leur direction artistique désastreuse hélas marque de fabrique de Bousman), "St. Agatha" fait plutôt le job, sans grandes étincelles mais avec quelques scènes de confrontations cherchant à remuer nos estomacs (la scène de "l'oisillon", haha) tout en mettant en exergue la cruauté de ces bonnes-soeurs retranchées derrière leurs règles démentes. Avec quelques petits clins d'oeil d'éclairage rétro-"suspiriens" dus à des vitraux colorés placés artificiellement dans l'architecture de la maison, sa bande-originale amusante (mais qui a cette limite de faire sortir le spectateur du film par sa tonalité particulière) et, surtout, un duel d'actrices impressionnant entre la jeune Sabrina Kern et la charismatique Carolyn Hennesy qui apportent toutes deux une plus-value considérable à l'ensemble (on en vient même à se demander si elles ne se sont pas trompées de long-métrage vu leurs prestations), "St Agatha" se laisse d'abord plutôt bien suivre à condition de ne pas être venu là dans une quête immense d'originalité...
Problème, à mi-parcours, le film va se mettre complètement à tourner à vide et les quelques qualités le maintenant à flot jusqu'alors ne vont plus suffire à entretenir un semblant d'illusion. Une fois révélés les mystères finalement loin d'être fous sur le fonctionnement du couvent, "St. Agatha" n'a clairement plus grand chose à raconter sinon nous amener à coups de situations répétitives (voire un peu idiotes, avec les policiers notamment) jusqu'à l'inévitable révolte de son héroïne et de ses comparses. À l'image des flashbacks et d'une histoire de visions qui ne serviront pas à grand chose (à part des rêves artificiels, le trauma de l'héroïne sera zappé en cours de route), "St. Agatha" se met à patiner sérieusement et, pire, va même décevoir lors d'un final empilant les facilités et manquant grandement de folie en matière d'affrontement ultime (seul un meurtre "post-natal" arrachera un sourire).
Bref, si l'on connaît un minimum la filmographie de Darren Lynn Bousman, on savait à quoi s'attendre et "St. Agatha" ne déroge pas à la règle en étant, dans le cinéma d'horreur, l'équivalent d'un burger de fast-food pas si dégoûtant mais à la saveur plus qu'oubliable. Ce n'est pas le pire fait d'armes de ce réalisateur ("Eleven" restera sans doute insurpassable à ce niveau) mais sa banalité et son exécution que l'on sent précipitée ne le range pas du côté de ses meilleurs non plus...