Elise Girard signe ici un film esthétiquement très réussi, quasi pictural. D'ailleurs, certains plans rapprochés des visages de Jean Sorel et de Lolita Chammah s'apparentent à des tableaux. Mavie (Lolita Chammah), demoiselle de Rochefort, vient de Tours. Elle est sublimement filmée, mise en valeur comme jamais. Le caractère intimiste et parisien du film est agréable, tantôt dans une douceur ou plutôt une langueur mélancoliforme, tantôt dans l'intelligence grave. Le couple est une institution, qui ne va pas de soi. Quand Mavie est hébergée chez son amie Felicia, la sexualité est bruyante, faite de cris et de halètements envahissants l'espace. Mavie supporte cette sonorité encombrante de son amie, nullement gênée de cette exhibition sonore. Parfois, elle arpente les boulevards du côté de Pigalle, où le sexe s'expose, se donne à voir. Lorsque Mavie rencontre Georges, il y a du décalage entre les êtres : le décalage générationnel encombre le partage entre ces deux-là. Les revendications écologistes se manifestent, mais Georges s'emporte, tant il trouve la révolte trop douce, lui qui a peut-être un passé révolutionnaire à la manière des brigades rouges. Les goélands s'écrasent brutalement sur la chaussée parisienne. On oscille alors entre l'horreur et le comique. On s'amuse d'ailleurs à plusieurs reprises durant le film. Cette rencontre improbable entre Georges et Mavie est insolite. Lui est bourru, quasi caractériel, l'argent et le travail ne font pas partie de ses préoccupations, tandis que Mavie a clairement la valeur des choses, son amie également, qui au regard de l'âge de Georges évoque l'idée qu'il ne peut sans doute pas prendre sa retraite. La génération actuelle incarnée par ces jeunes femmes aux prises avec l'époque contemporaine dure contratse avec le personnage de Georges, issu des Trente Glorieuses, où la contestation politique et l'ancrage culturel n'étaient pas plombés par la réalité économique d'aujourd'hui sur fond de crise et de chômage. Avec Elise Girard, on circule entre Rohmer et Godard. D'ailleurs, c'est dans une salle de cinéma, qu'elle fera finalement une rencontre, où du possible adviendra peut-être. "Drôles d'oiseaux" est un film hors temps, inattendu, inhabituel dans le paysage cinématographique. C'est aussi une sensation intéressante d'être un spectateur homme, lorsque l'on se confronte à un film d'une femme, qui parle de sa rencontre avec le sexe masculin. Elle prête d'ailleurs à Georges cette remarque on ne peut plus sexiste, mais en provenance d'un homme d'un autre temps : "Tu ne dépenses pas beaucoup pour une femme !" Merci à cette talentueuse cinéaste pour ce beau voyage qu'elle nous propose. Puisse son film rester le temps nécessaire sur les écrans pour qu'il rencontre son public. J'adore Paris, parce que c'est la ville où un tel cinéma peut exister !