Place à l’imagination sans limite, place à la fantaisie la plus débridée ! En allant chercher son inspiration chez le romancier Arto Paasilinna, Yann Le Quellec a pu laisser s’exprimer à volonté ses penchants pour l’excentricité, l’écrivain finlandais étant réputé pour ses récits tissés d’extravagance.
Voici donc l’histoire étrange de Cornélius (Bonaventure Gacon), un garçon costaud sortant de nulle part, enfin pas tout à fait de nulle part, d’une plage d’où il surgit à la manière d’un crabe ou d’une tortue, et, après des errances, parvenant à un éperon rocheux qui lui semble un lieu idéal pour y implanter un moulin. Ah ! Mais c’est qu’il va falloir compter avec le village qui se trouve juste en dessous ! Qu’à cela ne tienne ! Les habitants sont braves, ils l’accueillent comme un messie, et le maire Cardamome (Gustave Kervern) ne se fait pas prier pour lui céder le terrain. Un meunier au village ! Quelle aubaine ! Carmen (Anaïs Demoustier), la jolie fille du maire, quant à elle, ne tarde pas à être séduite : ni les manières du garçon ni sa longue barbe ne la rebutent, au contraire !
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes… Non, pas vraiment, car, rapidement, se font entendre la nuit des hurlements qu’on attribue d’abord à des loups errants avant de se rendre à l’évidence. Ce ne sont pas des canidés qui hurlent, mais le meunier en personne, empêchant les braves gens de dormir. Il n’en faut pas davantage pour que les regards et pour que la bienveillance laissent place à l’hostilité, voire à l’agressivité. Seule Carmen, plus enamourée que jamais, ne cède pas au trouble. Mais pourquoi le meunier crie-t-il ainsi et que peut-il devenir face à la méfiance, à la fatigue et à l’animosité de tout un village ?
Même si l’on peut relever l’une ou l’autre scène un peu plus faible, un peu moins inspirée que les autres, le film de Yann Le Quellec ne manque pas de qualités. La réalisation multiplie les scènes fantasques et drôles, comme il se doit pour un film de ce genre. Les acteurs et actrices conviennent plutôt bien au ton le plus souvent burlesque de l’histoire. Quant à celle-ci, malgré les apparences, elle ne repose pas uniquement sur de la simple divagation. L’air de rien, l’aventure et les personnages loufoques invitent à une réflexion sur la raison et la déraison, la sagesse et la folie. Qu’est-ce que la folie ? Qui considère-t-on comme fou ? Le meunier, parce qu’il hurle chaque nuit ?
Le film suggère que la folie n’est pas réservée à quelques-uns, qu’elle est présente en chacun. N’y a-t-il pas, à des degrés divers, des grains de folie présents en chaque être humain ? En fin de compte, ceux qu’on considère comme fous ne sont peut-être que ceux qui ne savent pas dissimuler leur grain de folie ou dont le grain a tant grossi qu’ils ne peuvent plus le garder au fond d’eux. Les braves gens, les gens sensés, les gens qui se croient normaux (comme si cela avait une signification !) ne supportent pas de voir (ni d’entendre) leur propre folie extériorisée chez autrui. La folie, il faut la masquer, sans quoi on risque de vous enfermer à l’asile
! Comme on le constate, avec sa fable d’allure extravagante, Yann Le Quellec nous interroge tous et toutes sur notre rapport à la folie, la nôtre et celle des autres !