Au départ, un potentiel sympathique thriller hitchcockien, clin d'oeil assumé à "Fenêtre sur Cour", adapté d'un best-seller de la vague post-"Gone Girl" type "La Fille du Train", réalisé et écrit par deux grands noms (Joe Wright et Tracy Letts) et, en plus, interprété par un casting particulièrement alléchant (Amy Adams, Julianne Moore, Gary Oldman, Jennifer Jason Leigh, etc).
Qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?
Eh bien à peu près tout car, à l'arrivée, on se retrouve hélas à regarder un ratage où quasiment rien ne va, donnant à "La Femme à la fenêtre" des airs de film où une malédiction d'une puissance impressionnante a été jetée à tous les niveaux de sa production. Certes, les malheurs dans le sillage du long-métrage ne lui sont pas tous imputables en tant que tel mais la liste fait quand même peur à voir : l'auteur du livre A.J. Finn a été mis en cause pour des mensonges sur son passé, le producteur du film Scott Rudin est au centre de nombreuses accusations d'harcèlements sexuels, les projections-tests ont été si catastrophiques que Tony Gilroy est arrivé à la rescousse en espérant réanimer la bête à coups de reshoots, la date de sortie a été tellement décalée pour cause de pandémie mondiale que cela a permis à cette defenestration... pardon... "Femme à la fenêtre" d'être discrètement refourgué à Netflix sans que cela ne dérange trop aucun de ses participants. Après un parcours aussi chaotique, on ne partait pas très confiant pour découvrir la charogne de long-métrage qui en subsistait, maaaaiiiis il y avait toujours ce fameux "sait-on jamais ?" qui nous a poussé à lui laisser une chance, bien mal nous en a pris...
Psychologue vivant recluse à cause de son agoraphobie (enfin, cela ne l'empêche nullement de faire entrer une tripotée d'inconnus chez elle), les journées d'Anna Fox se résument à boire du vin, espionner ses voisins d'en face, boire du vin, avaler des médicaments, boire du vin, regarder des DVD de vieux films, avaler du vin médicamenteux et caresser son chat. Cet agenda surchargé est un jour bouleversé lorsqu'à travers ses carreaux, elle croit voir sa nouvelle voisine -avec qui elle a sympathisé- se faire assassiner. Après une crise de panique, elle doit ensuite faire face aux policiers, au mari qu'elle pense suspect et... à sa femme qui n'a pas les traits de celle qu'elle a rencontrée et vue se faire tuer... Anna est-elle complètement dingo ? Sa voisine est-elle vraiment morte et remplacée par une autre ? Les aliens sont-ils dans le coup ? Va-t-elle réussir à ingérer un tonneau de vin d'ici la fin du film ? Alfred Hitchcock va-t-il sortir de sa tombe pour tordre le cou à Joe Wright ?
Rassurez-vous, les deux premières questions trouveront des réponses au cours d'une intrigue téléphonée où Anna va évidemment passer pour une folle une bonne partie du temps, avec twist bateau à la clé pour expliquer sa fixation et calmer le jeu avant une résolution poussive de thriller domestique (un petit élément pourra néanmoins surprendre mais ça restera très peu). En clair, il n'y a absolument rien d'original à rechercher dans l'intrigue de "La Femme à la fenêtre", très loin d'être digne des références citées sans cesse dans le film, même en matière de suspense un minimum efficace.
Et ça, Joe Wright paraît en avoir pleinement conscience car ce scénario rachitique et le trouble autour de son héroïne vont surtout être pour lui les moyens de régurgiter tout sa vision du cinéma d'Hitchcock à chaque recoin de scène ! Mais, attention, pas un film en particulier, non, "La Femme à la fenêtre" va plutôt ressembler visuellement à une espèce d'immense pot-pourri caricatural et même extrémiste que l'on peut avoir de la filmographie du maître, avec parfois des élans de giallo (personnellement, au cours du film, il m'est venu l'image de Joe Wright en train de vomir un arc-en-ciel de couleurs contestables sur le crâne d'un Hitchock qui n'avait rien demandé à personne) ! Bien sûr, il y aura tout de même plusieurs idées de mises en scène à saluer ici et là, quelques-unes sortiront du lot, mais les trois-quarts d'entre elles se résumeront à de l'esbroufe référentielle très peu inspirée et tentant de donner une contenance esthétique à un film lui-même trop vain pour les mériter...
Bref, hormis certains plans et une Amy Adams qui arrive souvent à garder la tête haute malgré les facilités de l'ensemble (Julianne Moore survole en une scène le reste d'un casting n'ayant pas grand chose à se mettre sous la dent pour briller, mention spéciale à Gary Oldman en mari/vieux chien fou), il vaut mieux vite fermer les volets sur "La Femme à la Fenêtre" et la laisser poliment errer dans son appartement à l'abri des regards...