Sans doute ce film s'adresse t-il à deux catégories antagonistes de spectateurs: les croyants exaltés; et les athées convaincus qui s'esbaudissent comme au théâtre devant toute manifestation de foi démonstrative, d'où qu'elle vienne. Mais les autres, la grande majorité des autres, les chercheurs raisonnables de transcendance et les agnostiques modérés resteront perplexe devant le dernier opus de Cédric Kahn.
Thomas (Anthony Bajon, visage de gros poupon encore) a eu, on le devine, une enfance difficile. Il est tombé dans la drogue dure; mais il a une vraie envie de s'en sortir. Il se rend dans un centre de désintoxication perdu dans notre magnifique nature du Dauphiné, où des jeunes comme lui se reconstruisent entre travail manuel et prière. C'est la désintox pure et dure (de celle qu'on proscrit dans les services hospitaliers): on le prive dès l'entrée de ses cigarettes, on le fouille pour voir s'il n'a pas emporté avec lui de substance interdite; et surtout, il ne doit jamais être seul. Un camarade doit toujours être avec lui, pour le protéger contre la tentation et contre lui même. Et zou, à la messe!
Les débuts sont difficiles. Thomas pique une cigarette au fermier pour qui les jeunes font de l'essartage; et s'enferme au poulailler pour la fumer. Déclenchant tout un micro-drame, où il est sommé de s'excuser. Thomas craque; Thomas s'en va, et puis revient. Récite des prières comme des mantras. Devient, à son tour, l'ange gardien des nouveaux arrivants. Est sur la voie de la reconstruction.... Au point d'être en demeure de choisir entre l'engagement à la prêtrise et la vie avec la jolie fille des fermiers (Louise Grinberg
L'amitié compte énormément dans ce lieu clos. On se serre beaucoup dans les bras pour s'aider et se protéger. Le responsable, Marco (Ales Brendemühl) est un roc, entre la fermeté et l'affection. Mais pourquoi tant de ces garçons semblent ils incapables de quitter la collectivité, comme Pierre (Damien Chapelle), le premier ange gardien, qui a pourtant, dehors, une femme et une petite fille. Au fond, n'ont ils pas échangé une dépendance contre une autre, comme ces bonzes mécaniques qui répètent Ôm Ôm Ôm..... A quoi sert d'être guéri si l'on ne peut retourner dans la vie?
A noter qu'il y a aussi une maison de filles, mais les jeunes ne se rencontrent qu'à l'occasion de fêtes, et que la Mère qui a créé cette structure est interprétée par.... Hannah Schygulla. Oh, chère Hannah, que nous vîmes si souvent en guêpière dans les films de Fassbinder..... vous voilà entrée en sainteté!