Faute de l'avoir lu, on s'abstiendra de faire référence au best-seller de Susanna Jones dont le film de Wash Westmoreland est l'adaptation mais il est difficile de nier que, du côté de sa trame globale, cette histoire ne nous saisit pas vraiment par sa folle originalité. Un cadre exotique (le Japon) synonyme de nouveau départ, une passion dévorante entre son héroïne fragile et un beau photographe local, un élément perturbateur sous forme de blonde incendiaire qui vient mettre à mal l'équilibre du couple et in fine la disparition mystérieuse (et presque logique) de ce dernier afin de créer le cœur de l'intrigue... Même sur la forme, la narration en mode interrogatoire du personnage principal pour remonter aux sources de l'affaire renforce cette impression de familiarité que l'on paraît déjà avoir avec toute cette histoire. D'ailleurs, du côté de la résolution de son grand mystère, le film laissera beaucoup trop d'indices sur sa route pour que celui-ci nous surprenne vraiment, et ce même si le dénouement est correctement amené.
Non, en réalité, bien plus que ce qu'il raconte dans son déroulement général, "The Earthquake Bird" s'en sort avec les honneurs par sa capacité à capter et à partager les thématiques émotionnelles qui transpirent à travers son récit.
Cela s'incarne avant tout dans son héroïne Lucy Fly, personnage que l'on devine très vite torturé par le poids de son passé et qui en est venu à s'expatrier au Japon pour y échapper. Même si elle y est installée depuis quelques années, la nouvelle chance de vivre qu'elle cherchait désespérément démarre par sa rencontre avec Teiji, l'osmose entre les deux amants est immédiate et transparaît à l'écran aussi bien par un orgasme à l'unisson que par la vérité de leurs échanges où tous deux paraissent tomber leurs masques respectifs. Mais la flamme de la passion vacille déjà face à des événements qui ramènent sans cesse Lucy à ses cicatrices. Le Japon et le grondement de ses tremblements de terre redondants en sont le parfait symbole, ce bonheur apparant est précaire et ne saurait faire fi des plaies encore ouvertes d'un passé où la mort a joué un rôle prédominant. Le comportement de plus en plus distant de Teiji en est un des vecteurs mais, si Lucy parvient encore à fermer les yeux sur ce fait, c'est bien évidemment l'intrusion de Lily au sein de leur relation qui va définitivement exacerber sa part d'ombre. Dès lors, l'afflux d'émotions contradictoires et la perte de repères de la jeune femme va diriger le reste du film, des hallucinations vont mettre au jour ses doutes les plus profonds et sa réflexion sur la disparition de Lily devra passer par une extériorisation de ses maux pour mieux les accepter plutôt que d'en accumuler la charge jusqu'à la déraison.
En choisissant avec succès de se focaliser sur les troubles de Lucy pour progresser, "The Earthquake Bird" marque indéniablement des points et parvient donc à transcender une histoire ne sortant pas vraiment des sentiers battus. D'ailleurs, pour cela, le film est boosté par un atout d'une qualité incroyable : Alicia Vikander. La performance de l'actrice donne une ampleur assez sidérante à "The Earthquake Bird" qui n'est jamais aussi bon que lorsque la caméra de Wash Westmoreland s'attarde harmonieusement sur son regard trahissant toutes les failles de son personnage abîmé. Naoki Kobayashi et Riley Keough ne sont pas en reste mais Alicia Vikander est clairement le phare d'un film qui, sans elle, aurait toutes les chances de s'échouer sur les récifs de la banalité.
Bon, reconnaissons-le, tout cela n'est peut-être pas suffisant pour permettre à "The Earthquake Bird" de laisser un souvenir impérissable dans les mémoires mais sa façon de rester au plus près de ce qui anime son héroïne et la prestation impeccable de son interprète rendent son visionnage bien plus agréable qu'espéré.