L’affiche très girly aux couleurs flashy, le sujet concernant les réseaux sociaux et le résumé laissent à penser que ce petit film méconnu s’apparente à une petite bluette ou à un thriller de série pour adolescents, inoffensif et générique. Et bien on aurait tort de se fier à ces premières impressions car « Ingrid goes west » est bien plus que cela. C’est même une excellente petite surprise, une œuvre qui se laisse apprivoiser – et apprécier – au fur et à mesure pour apparaître bien plus sérieuse, maligne et intéressante qu’on ne l’aurait pensé. Et Matt Spicer va parvenir à voguer d’un genre à l’autre au cours du récit de manière à ce que le film avance sans nous perdre avec une fluidité et une cohérence irréprochable. Pourtant le mélange des genres n’est pas toujours aisé mais ici cela se fait en douceur, un genre en remplaçant un autre tout en se mélangeant quelque peu au passage sans scories quelles qu’elles soient.
Bonne nouvelle, le script du cinéaste n’oublie aucunement sa raison d’être. Ici, on parle des réseaux sociaux (Instagram surtout) et de leur côté néfaste entraînant parfois une dépendance qui peut virer au vinaigre. « Ingrid goes west » montre bien que pour des personnes faibles, seules ou un peu dérangées, l’addiction à ces applications peut entraîner de graves conséquences psychologiques ou physiques. Et c’est parfaitement rendu ici grâce au personnage d’Ingrid, jeune femme seule et sans amis, qui va s’enticher d’une influenceuse, Tanya. L’escalade néfaste qui va se jouer ici est implacable et bien vue, on y croit totalement. Ingrid et Tanya sont deux faces d’une même pièce, la première étant une sociopathe, pas mauvaise pour un sou, mais qui va perdre les pédales quand l’autre est un pur produit de notre époque, superficielle et n’accordant du crédit qu’à l’image. Aubrey Plaza et Elisabeth Olsen sont parfaites dans ces rôles et n’en font jamais trop ce qui rend leurs personnages crédibles, parfois attachants, mais aussi très pathétiques. Mais c’est également la raison qui rend cette œuvre si réaliste et réussie.
Le début est un peu exsangue, on a un peu de mal à se mettre dedans et on se demande où tout cela va nous mener mais le script lâche ses atouts assez vite et on se captive rapidement pour cette histoire pour ne plus en décrocher. Passant de la petite chronique féminine sans accrocs à une sorte de comédie noire pour enchaîner sur un suspense qui vire au drame, « Ingrid goes west » est prenant, addictif même, comme le sont les personnages. On ne sait jamais où cette histoire va nous embarquer et comment elle va finir. Justement, le final en deux temps est surprenant. Ils sont adaptés dans les deux cas même si on aurait aimé que le film se termine sur le premier, très émouvant et qui nous laisse une morale amère en bouche. Le second semble plus futile même s’il est empli d’un cynisme qui colle bien à l’ambiance générale et au sujet. Voilà donc une œuvre plaisante, bien plus objective, pertinente et intelligente qu’elle n’en a l’air. « Ingrid goes west » est aussi léger et fun qu’il est raccord avec notre époque et malin. Ce n’est pas si souvent.
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