On reste un peu perplexe à l'idée de débuter le visionnage de "Bad Match". Après tout, à quoi bon s'aventurer dans ce qui semble être un énième "Liaison Fatale" nouvelle génération où les réseaux sociaux se transforment en outils de harcèlement ? D'ailleurs, les téléfilms et autres DTV américains sur du stalking 2.0 conçus à la va-vite pour un public pas très regardant paraissent proliférer comme des orties filmiques ces derniers temps. Mais il y a cette petite voix, insistante, qui vient nous rappeler que le long-métrage est écrit et réalisé par David Chirchirillo, un des scénaristes de l'excellent "Cheap Thrills", et, comme on possède à peu près la volonté d'un enfant enfermé dans un magasin de jouets avec une annexe confiserie, nous voilà lancés dans "Bad Match" en priant toutes les divinités existantes pour ne pas perdre 1h30 de notre vie.
Accro aux rencontres d'un soir via un simili-Tinder, un publicitaire égocentrique, Harris, fait un jour la rencontre de la belle Riley. Problème, après avoir réussi à la séduire, Harris ne parvient pas à s'en débarrasser comme à son habitude, la jeune femme le harcèle de messages et d'appels jusqu'à faire de sa vie un véritable enfer...
Bon, pas de quoi danser nu autour d'un feu un soir de pleine lune à la lecture de ce pitch, nous direz-vous ? Eh bien, on vous répondra oui et non.
Évidemment, les bases d'une telle histoire sont archi-connues mais là où "Bad Match" va faire la différence -et dans le bon sens qui plus est- c'est dans son exécution. D'emblée, le film séduit par sa mise en scène énergique et son ton baigné en permanence d'un humour noir sous-jacent (c'est là qu'on reconnaît la patte "Cheap Thrills"). En fait, c'est un peu comme si la personnalité de son héros convaincu de la parfaite viabilité de son comportement égoïste et cynique emportait tout le rythme du récit de "Bad Match" avec lui. On s'y amuse ainsi énormément sur un tempo qui ne faiblira jamais et grâce à des interprètes emportant notre adhésion de manière irrésistible. Mieux, la montée en puissance de l'engrenage du stalking dans lequel se retrouve piégé Harris fait aussi son petit effet grâce à la personnalité atypique de sa harceleuse qui semble prendre un malin de plaisir à faire tourner sa victime en bourrique et, lorsqu'on en arrive aux pires extrémités qui vont bien sûr amener le héros au fond du trou, on se surprendrait même à vouloir le voir traverser encore un peu plus d'épreuves pénibles malgré un cheminement connu.
Seulement, il y a un hic majeur qui gâche un peu la fête : "Bad Match" grille bien trop en amont la teneur de sa révélation finale, plutôt maligne au demeurant, à cause d'une scène maladroite qui paraît n'être là que pour souligner un indice et qui ne trompera pas les spectateurs les plus avisés. Mais, même en l'ayant compris (et un peu comme si ce diable de David Chirchirillo avait aussi envisagé cette hypothèse), la dernière partie trouvera tout de même le moyen de ménager son lot de surprises quant aux proportions inattendues que les nouveaux rapports de force entre les protagonistes vont prendre, le tout toujours avec cette humour décalé et cette mise en scène réussie sachant jouer avec le spectateur jusqu'à son terme.
Finalement, "Bad Match" est la preuve parfaite qu'un film bien emballé et exécuté peut changer la donne d'une trame dont on croit tout connaître. David Chirchirillo aurait même pu transformer totalement l'essai avec plus de maîtrise et de subtilité narrative sur les tenants et aboutissants potentiellement surprenants de son histoire de harcèlement. Malgré ce côté inabouti, "Bad Match" reste néanmoins une très agréable découverte qui nous fera suivre avec intérêt le nom de son réalisateur/scénariste à l'avenir...