Vita & Virginia aimerait faire dialoguer le siècle des deux femmes de lettres avec le nôtre, de la même façon qu’Orlando (Sally Potter, 1992) s’emparait du roman de même nom de Virginia Woolf pour articuler les époques historiques et remonter jusqu’à la fin du XXe siècle : la musique mêle sonorités électroniques et orchestre classique, le fantastique s’invite lors de brèves scènes à mi-chemin entre le rêve et la réalité, les deux actrices s’entretiennent directement avec le spectateur pour lire à voix haute leur correspondance, par ailleurs magnifique. C’est dire que le long métrage de Chanya Button travaille l’anachronisme, ainsi que l’œuvre littéraire Orlando, tout droit inspirée de la relation peinte dans le présent film, composait un personnage qui traversait les âges sans vieillir. Pourtant, un problème sous-tend son édifice : il ne réussit jamais à tirer de ses situations ou de son imagerie, lisse et artificielle, une passion véritable qui puisse nous ravir. La froideur tonale adoptée par Vita & Virginia perpétue la représentation d’une Woolf antipathique et distante, construite par ses lettres, ses œuvres et certains témoignages de ses proches, sans oser l’aborder sous un jour nouveau et ainsi rendre justice, par exemple, à la malice qui caractérisera le narrateur du roman à venir ; ou s’il fallait confronter deux énergies opposées, encore eût-il fallu jouer sur les contrastes, accentuer le trait. Arrimé à la lettre de la correspondance épistolaire, accroché à la plume ou aux touches de la machine à écrire, le film manque l’esprit et se contente d’illustrer platement la relation unissant Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Fort heureusement, les deux actrices choisies pour les interpréter (Elizabeth Debicki et Gemma Arterton) s’avèrent talentueuses et compensent, un temps, l’absence de vision et de mise en scène personnelles.