Dans les "roaring twenties", les deux femmes de lettres Vita Sackville-West (Gemma Arterton) et Virginia Woolf (Elizabeth Debicki) ont entretenu une liaison amoureuse. Elles faisaient partie, avec Vanessa Bell, la sœur aînée de Virginia, et son mari, du groupe de Bloomsbury, volontiers anticonformiste, dont les membres prônaient l'union libre. Mariée au diplomate Harold Nicholson, bisexuel comme elle, qui lui laissait une grande liberté, Vita avait déjà fait scandale avec Violet Trefusis. Elle aussi bisexuelle, Virginia était mariée depuis une dizaine d'années et avait fondé une maison d'édition avec son mari. Elle venait d'écrire "Mrs Dalloway" et "La Promenade au phare". Sa liaison lui inspira "Orlando" qui sera son plus grand succès.
La jeune réalisatrice britannique Chanya Button s'attaque à l'un des couples les plus mythiques et les plus sulfureux du vingtième siècle. Un tel sujet attirera sans coup férir plusieurs catégories de spectateurs : les aficionados de Virginia Woolf (ils sont nombreux), les fans de la série "Downton Abbey" (ils sont plus nombreux encore qu'affoleront les tenues plus sensationnelles les unes que les autres de Gemma Arterton, portrait craché de Lady Mary, l'aînée des Crawley), les féministes hommes ou femmes, homo- ou hétéro-... ce qui fait beaucoup de monde.
Pas sûr que ce nombreux public soit enthousiasmé. Car, si "Vita & Virginia" réussit honnêtement à reconstituer le charme et l'élégance des intérieurs londoniens des années vingt, c'est bien là son seul mérite. La passion qui unit les deux héroïnes n'est ni sulfureuse ni déchirante. Pendant toute la première moitié du film, Gemma Arterton - qui, pour la première fois de sa carrière, réussit à mal jouer - s'escrime à séduire Elizabeth Debicki. Puis, dans la seconde, Virginia, enfin conquise, s'inquiète de ne pas être capable de retenir la trop frivole Vita.
Seul trait piquant du film : les scènes de ménage entre les deux héroïnes qui se jouent dans une joyeuse pluralité, en présence de leurs maris respectifs réduits au stade de témoins silencieux et (doublement) impuissants.