Ce n'est pas la première fois que le roman de Jack London, Croc-Blanc, est porté à l'écran. Parmi les nombreuses adaptations existantes, les plus célèbres sont celle de Lucio Fulci avec Franco Nero et celle de Randal Kleiser qui offre à Ethan Hawke l'un de ses premiers rôles au cinéma.
Avec Croc-Blanc, l'équipe a pour ambition de signer un film d'animation familial dont le ton et le propos sont plus adultes que ce que le genre a l'habitude d'offrir. Ainsi, le réalisateur Alexandre Espigares a immédiatement eu en tête le western italien et a rejeté l'idée de doter les animaux de la parole ainsi que de ponctuer le récit par des chansons. Il précise : "Sans vouloir dénigrer quoi que ce soit, je trouve que les films d’animation ont souvent tendance à sur-expliquer l’intrigue, à trop prendre le spectateur par la main."
De même, le directeur artistique Stéphane Gallard tenait à participer à un projet audacieux qui rende hommage à l'esprit du roman : "Croc-Blanc est transgénérationnel. Il parle des étapes pour grandir, des premiers pas maladroits, des premières rencontres interrogatives et dangereuses, des bonnes rencontres qui vous rendent capables de faire des choix de vie. C’est un roman plutôt dur, d’aventures, initiatique mais c’est aussi une critique sociale, une peinture de l’époque."
Parmi les films qui l'ont influencé pour Croc-Blanc, le réalisateur cite plusieurs westerns : Le Grand silence de Corbucci, Django avec Franco Nero et Jeremiah Johnson de Sydney Pollack. Dans un autre registre, il évoque Conan le Barbare de John Milius et Le Pacte des loups de Christophe Gans.
Parmi les scénaristes de Croc-Blanc se trouve Philippe Lioret, plus connu du grand public pour avoir réalisé Je vais bien, ne t'en fais pas et Welcome.
Si Croc-Blanc n'est pas doté de la parole, l'équipe tenait à ce que le film épouse son point de vue pour en faire le véritable héros de l'histoire. Ce choix s'est traduit dans la mise en scène par le placement de la caméra à hauteur de hanches pour un humain, ce qui correspond à peu près à la hauteur de tête de Croc-Blanc.
Le réalisateur a fait le choix de tourner en scope, un format qui fait la part belle aux grands paysages "et en même temps, lorsque nous sommes près des personnages et que le cadre est resserré, il était important de donner au spectateur assez d’informations sur l’environnement dans les plans précédents." Pour le directeur artistique Stéphane Gallard, le scope "est une image ouverte où l’on peut inviter le spectateur à se déplacer dans l’image et à se projeter."
Avec Croc-Blanc, l'équipe a souhaité se frotter à un style graphique différent de ce que les films d'animation familiaux ont l'habitude de proposer. Elle a cherché à ne pas aller dans des univers trop réalistes tout en proposant une image de facture "classique". Stéphane Gallard détaille le procédé d'animation : "Dès le départ nous savions que nous ferions appel à de la motion capture pour mettre en place l’animation des humains, ensuite complétée d’animation Key Frame pour pouvoir restituer un jeu d’acteur démonstratif et conférer une forte incarnation aux personnages."
À l'écran, ces choix aboutissent à une image qui ose l'abstrait et l'inachevé, dictée en partie par le budget du film. Le directeur artistique poursuit : "Je savais que nous ne pourrions pas « raconter » chaque matière comme on peut le faire dans un film à très haut budget. Mais que l’on pouvait avoir recours à la peinture avec cette idée de la greffer sur une narration assez classique et inspirée des épopées. Les premiers tests se sont avérés probants, de même que les premiers designs sculptés qui étaient convaincants dans leur manière d’accrocher la lumière. Dès le départ je savais qu’aucun outil utilisé dans la peinture ne serait inférieur à 1 centimètre."
La lumière, le choix de l'animation ainsi que les décors donnent l'impression d'observer une peinture. Un choix assumé par le directeur artistique qui évoque comme références "les grandes peintures de voyages, la grande époque de l’illustration américaine qui célébrait toute la conquête de l’Ouest, ainsi que le travail de N.C. Wyeth que l’on retrouve dans les affiches et les couvertures des romans d’aventures qui possèdent très souvent un relief historique et documentaire."
Il a d'ailleurs fait appel au peintre Antoine Poulain, qui a déjà travaillé sur des projets d'animation comme The Prodigies : "Il a un discours, une véritable conviction dans son art. Il travaille avec de l’argile, des pinceaux, de la craie, avec la main… C’est un artiste qui crée des images pour raconter quelque chose de lui, de la vie, de ce qu’il est…. Il sait l’économie d’une peinture. Il sait comment ne pas tout raconter dans une image, comment créer du vide et de l’espace…"