Problemos : les secrets du tournage

A l'origine, le producteur Matthieu Tarot désirait travailler avec Eric Judor depuis qu'il avait vu Platane : il a alors soumis à Blanche Gardin et Noé Debré l’idée d’imaginer une comédie dans une "ZAD", une zone à défendre. Ils ont alors écrit un traitement de trente pages qu'ils ont proposé à Judor, lequel a d'abord été réticent après avoir lu la première page. Ce dernier se rappelle :

"J’ai commencé à le lire, sans savoir de quoi il était question, mais dès que j’ai vu que ça se passait là, avec des types en sandales et en chaussettes, je me suis dit que je n’avais pas tellement envie de me marrer là-dessus. En plus je trouvais ça délicat de se moquer d’eux - en France, on est vite étiqueté « pour » ou « contre ». Epineux, donc. Mais comme il fallait quand même que j’ai d’autres arguments pour refuser le projet, j’ai profité d’un voyage pour lire le traitement en entier. Et là je n’ai pas pu m’empêcher d’exploser de rire."

Le scénario de Problemos a été achevé en février 2016, mais du fait de l'échec commercial de La Tour 2 contrôle infernale (sorti également en février 2016), le financement du film a été très difficile.

Pour se documenter sur les fameuses "ZAD", Eric Judor s'est rendu à "Nuit debout". Le réalisateur se rappelle ainsi avoir mis un bonnet pour qu'on ne le reconnaisse pas et a alors écouté sur place les gens parler. Pour Judor, Problemos raconte un peu ce qui s'est passé à Paris place de la République : "Au bout de deux mois, il y avait quatre-vingt-dix associations, il fallait que tout le monde donne son avis, ça devenait ingérable. La seule manière de réfléchir à un monde meilleur, sans se dire dès le début que les dés sont pipés, c’est de laisser tout le monde s’exprimer… Mais quand tu donnes la parole à tout le monde, c’est le chaos. Dans ce mini-laboratoire qu’était "Nuit debout", c’était ça. Chacun avait des raisons différentes d’être là, et donc des buts différents, c’est sans doute ça un groupe..."

Eric Judor et son équipe ont trouvé le décor du film en Ardèche, qui est une région difficile d’accès donc très préservée. Il leur fallait, dans ce décor, une rivière, une forêt et une grande paroi pour couper la communauté du monde, obliger ses membres à rester dans cet endroit.

Les scénaristes Noé Debré et Blanche Gardin se sont rencontrés grâce à Jacques Audiard qui les a présentés. Le premier se rappelle : "J’avais très envie de travailler avec elle, j’avais adoré le Inside Jamel Comedy Club qu’elle avait écrit. Elle avait passé pas mal d’essais pour Un Prophète, un rôle qui finalement a disparu du scénario. C’est pour ça que Jacques la connaissait. J’avais parlé d’une comédie avec le producteur Matthieu Tarot. Blanche et moi, nous sommes d’abord partis autour des nouvelles formes de spiritualités, de vie associative. On cherchait… Et puis Blanche connaissait bien le sujet des ZAD, les zones à défendre." La seconde poursuit : "Oui il y a eu un été où j’ai fait pas mal de festivals hippies, j’ai raconté mes frasques à Noé, ça le faisait beaucoup rire. Tous les deux, on était aussi pas mal attirés par la sociologie politique."

Eric Judor n'avait, avant Problemos, jamais tourné avec autant de comédiens principaux (et interagissant dans des séquences où beaucoup de gens parlent en même temps). Ne voulant pas bloquer leurs mouvements et leur jeu, le réalisateur a, en compagnie du directeur de la photographie Vincent Muller, pris l’habitude de répéter la scène avec les acteurs, si possible la veille de la séquence. "On regardait les gens jouer et se placer assez naturellement et ensuite, on assignait leur place aux deux caméras", se souvient Judor.

Lorsque Noé Debré et Blanche Gardin ont terminé l'écriture du scénario, ils n'étaient pas sûr que cela donnerait un film. Les deux scénaristes avaient même pensé à une bande dessinée ou une série. "D’ailleurs quand on a rendu le traitement de 25-30 pages à Matthieu Tarot, on lui a dit qu’on n’était pas très sûr de sa destination", précisent-ils.