Presque Rien fait le choix de la chronique estivale, qui tire à terme sur la reprise des études et les louvoiements sentimentaux que celle-ci suppose, pour représenter l’initiation d’un jeune homme à l’homosexualité, jusqu’alors diluée dans des relations troubles (réussir à déshabiller tous ses cousins, par exemple, ou s’engager dans une relation éphémère avec Nathalie) et révélée par la rencontre avec Cédric sur la plage.
Le récit cultive les ellipses, les prolepses et les analepses de sorte à brouiller les repères temporels et tisser un motif complexe inscrivant Mathieu, notre protagoniste principal, dans un réseau de fils épars : la disparition d’un frère âgé de quelques mois, la douleur d’une mère clouée au lit, les conflits avec la sœur, les études d’abord imprécises, d’architecture ensuite – symbole d’une certaine reprise en main de sa vie puisqu’il prend lui-même les décisions et dessine les plans de son existence –, l’absence du père qui doit arriver mais qui finalement est envoyé ailleurs. Le mal-être du personnage, nommé dépression par les docteurs, s’incarne à l’écran par l’entrelacs de pulsions de vie et de sexe, comme le choc des autos-tamponneuses ou le sucrage des churros, et de pulsions de mort symbolisées par l’oiseau recueilli et la perte d’un nouveau-né.
Le cinéaste capte ainsi l’instabilité d’un âge de transition, la sortie de l’adolescence et le début du monde adulte, tel un feu d’artifices que l’on tire au-dessus de la mer : une image lumineuse, l’autre noire, suivant une alternance que l’on retrouve en boîte de nuit, quand Cédric se bagarre avec Pierre, son ex. Si Mathieu parle peu à son entourage, il trouve cependant des avatars avec qui communiquer : un chat abandonné, un chien affamé. Ces animaux errants le renvoient à sa profonde solitude alors même qu’il aime et qu’il se sait aimé, à cet abîme dans lequel choit le petit-ami pour être secouru, des heures plus tard, par les pompiers.
Presque Rien annonce le romanesque Été 85 (2020) de François Ozon, porté lui aussi par deux acteurs remarquables : Jérémie Elkaïm et Stéphane Rideau. Un très beau film, d’une justesse appréciable.