Qualifié de chef-d'oeuvre par les critiques, adulé par les spectateurs, je suis sorti de "Phantom Thread" séduit par cette mise en scène rigoureuse autour de cette histoire d'amour vénéneuse mais je n'ai pas trouvé l'ensemble transcendant pour autant. Certes, la réalisation, la photographie, la musique et le jeu d'acteur sont travaillés avec la même minutie qu'une couturière doit avoir pour s'atteler à la dentelle. Cet enjeu constant de perfection se répercute dans toute l'atmosphère appliquée du film. Une sérénité, une élégance ainsi qu'une certaine complaisance se dégagent de ces plans sur-maitrisés, sur-corrigés, parfaits. Au milieu de cet univers réglé au millimètre près s'immisce une histoire d'amour involontaire, imprévue et sinueuse. On assiste alors à l'implosion émotionnelle dans un monde parfaitement contrôlé, qui est celui de la haute couture. C'est dans cet imprévu que réside le génie de "Phantom Thread", dans l'accomplissement des sentiments dans ce quotidien hermétique à toute forme de plaisir. J'ai été gagné progressivement par le jeu de Vicky Krieps, bien plus que par celui de Daniel Day-Lewis, qui, dans sa maitrise parfaite du rôle n'atteint pas les sommets que touchent sa partenaire, inconnue au bataillon pour ma part. Avec ses airs de Meryl Streep jeune, elle véhicule énormément d'émotions et de pensées par sa prestance naturelle et si connectée au présent. Les scènes où elle s'impose sont fortes et témoignent parfaitement de la complexité de nos ressentis dans un amour non-réciproque. Transparente au début, elle nous hypnotise et nous touche progressivement et intensément. Face à elle se trouvent deux artistes d'envergure, Daniel Day Lewis est toujours aussi imprégné de son personnage mais ça manque pour moi d'émotion pour qu'il décroche la statuette. Il en va de même pour Lesley Manville, imperturbable et autoritaire, glaçante mais aimante, dont le jeu se résume à un visage sévère qui ne se laisse pas démonter. La musique est omniprésente, subtile et accompagne ce lieu de raffinement et de classe. Je suis rentré lentement dans cette histoire sans savoir où elle voulait en venir et l'arrivée du personnage d'Alma concentre toute l'intrigue vers des axes contraires à la rigueur de la confection perfectionniste d'une robe. C'est avec séduction mais néanmoins avec distance que j'ai regardé cette histoire d'amour tourmentée, toujours reliée à ce travail d'ombre et de perfection. Les émotions ne m'ont pas bouleversés, le scénario ne m'a pas surpris, et ceci est surement du à la monotonie de l'image, pure et travaillée, ne changeant pas face aux bouleversements intérieurs des personnages. Je vois en "Phantom Thread" un portrait d'amour en filigranes, faites de non-dit et d'actions cachées, passionnant dans ce qu'on se raconte, à contempler comme un joli tableau mais sans réussir à y rentrer totalement, car après tout, ça n'est qu'une image où tout reste à inventer...