Paul Thomas Anderson fait partie de ces rares réalisateurs à pouvoir tout réaliser. "Magnolia", "The Master", "There will be blood" sont sans doute les œuvres les plus marquantes de ce cinéaste prolixe et hybride. Cette fois, le réalisateur nous entraîne dans le monde de la création artistique, à travers un couturier de génie, tout aussi effrayant que somptueux. "Phantom Thread" est un film de la démesure. Il faut d'abord souligner une parfaite osmose entre le travail sur l'image et la mise en scène, comme si cette oeuvre constituait la déclinaison subtile de l'art cinématographique, épris de lumière, de décors, et surtout d'écriture. Le génie de ce film provient du fait que la caméra parvient totalement à se faire oublier. Les 3 acteurs principaux, à commencer par Daniel Day-Lewis explosent totalement l'écran. Tout se joue dans un clin d’œil, un regard déplacé, un souffle de salive au coin d'une bouche. Les personnages évoluent dans un univers anglo-saxon luxueux, où, derrière les dorures, le pire de la vulgarité peut côtoyer l'excellence intellectuelle. Cette jeune amante que l'artiste se choisit, est une usurière. Elle arrive dans ce milieu qui pourrait bien monter à la tête. Mais elle, non, elle ne renonce pas à ses origines, elle est tout aussi touchante, que maladroite, voire même dangereuse. Elle ne veut surtout pas devenir un spectre aux yeux de cet homme blasé par le succès, mais surtout angoissé à l'idée de ne plus créer. Les personnages sont si denses, que le spectateur se croit emporté dans un véritable roman. Au lieu de descriptions, le cinéaste montre un univers délicat et cruel à la fois, et accompagne ses héros dans leur complexité et leurs ambivalences. "Phantom Thread" est immanquablement une oeuvre littéraire où le détail devient l'oeuvre à lui tout seul. Le réalisateur ne cède jamais à la complaisance, encore moins à la facilité. En bref, voilà un des plus grands films de ce début d'année.