Alors déjà, un grand bravo à Zoé Wittock d'avoir porté ce projet et d'avoir pu faire exister ce film. Car sérieusement, qui accepterait de financer et produire un film portant sur l'histoire d'une femme qui entretient une relation amoureuse avec un manège de parc d'attraction !! L'idée parait folle sur le papier et le résultat est vraiment salutaire ! BRAVO.
La thématique de l'objectophilie (des humains désirant sexuellement des objets) est vraiment intéressante dans son traitement car factuellement très original. J'apprends ainsi que l'inspiration vient d'une histoire vraie, celle d'Erika Eiffel qui a épousé en 2007 la Tour Eiffel...
Par ailleurs, quelle prestation de Noémie Merlant encore une fois, qui parvient à nous faire retranscrire toutes ces émotions et les fragilités du personnage, même quand son camarade de jeu face à la caméra, n'est autre qu'un manège métallique. Certes le développement de l'intrigue amoureuse reste pour le coup classique dans sa mécanique, on traverse tour à tour la découverte, la relation amoureuse, sa concrétisation via le plaisir charnel, la trahison, la séparation et enfin les retrouvailles et réconciliation. Mais la force du film repose aussi sur la mise en scène, et l'exploit de parvenir à faire fonctionner des scènes et une progression dramatique comportant une dualité entre humanité/inanimé. Le film nous réserve aussi de sublimes plans de jeux de lumière entre la machine et l'actrice, les plans larges de nuit avec Jeanne contemplant le manège en action illuminé de toutes ses couleurs, est assez magnifique visuellement.
J'ai beaucoup aimé aussi le parti pris artistique de l'univers fantasmagorique lié aux orgasmes entre Jeanne et la machine, qui est aussi très beau et fort visuellement. Ces scènes m'ont d'ailleurs tout de suite fait pensé aux scènes fantasmagoriques de Under The Skin, un peu similaire dans l'artistique et le rendu visuel.
Quant au reste du casting, ils assurent aussi le job ! Bastien Bouillon, dont j'ai toujours trouvé le style de jeu assez mauvais dans les films dans lequel j'ai pu le découvrir, m'a pour le coup surpris, en étant plutôt bon dans son rôle.
Emmanuelle Bercot est également très bonne. J'ai juste une petite frustration sur le développement du sujet autour de l'objectophilie. Je sais que la réalisatrice a fait le parti pris de vouloir aborder ce thème du point de vue de l’émotion seulement, et absolument pas de la compréhension. Mais j'aurai quand même préféré voir intégrer un petit arc narratif à travers le personnage de la mère de Jeanne, qu'on aurait pu imaginer faire la démarche d'aller se renseigner auprès d'un psy pour connaître les origines de cette attirance chez sa fille. Cela aurait permis d'avoir une explication concrète de ce penchant, d'un point de vue psychologique de personnage c'est toujours intéressant, mais ça aurait aussi permis de mieux faire passer le changement de cap de la mère, qui à la fin
accepte, un peu comme un cheveu sur la soupe à mon sens, l'idée que Jeanne puisse vivre une relation avec Jumbo
, pivot que j'ai trouvé un peu rapide et peu crédible dans le chemin psychologique effectué par la mère. J'aurai trouvé ça plus fort que la mère sollicite l'avis d'un professionnel pour essayer de comprendre ce que traverse sa fille, et à partir de là choisir que l'amour pour sa fille est beaucoup plus fort et que cela dépasse toute cette réalité à priori "maladive" et accepte finalement par amour pour sa fille, cette idylle impossible. C'est ma seule frustration, mais au delà de ça, je trouve que, pour sa thématique très ambitieuse, le film fonctionne merveilleusement bien, appuyé par une mise en scène efficace, bien pensé et réfléchi ! Il faut davantage des films de ce genre dans le paysage cinématographique français !! Il faut encourager ce genre de prise de risque !!
Donc BRAVO et MERCI pour ce moment. :)