La genèse de Tout nous sépare est à mettre en parallèle avec l'envie qu'avait Thierry Klifa d’écrire pour Catherine Deneuve, son actrice fétiche qui avait tourné sous sa direction dans Les Yeux de sa mère et Le Héros de la famille. "Très vite est née l’idée d’une femme qui prendrait les armes pour sa fille, une guerrière, et défendrait coûte que coûte son territoire", précise le cinéaste.
Avec Tout nous sépare, Thierry Klifa a voulu faire un film noir ancré dans la réalité actuelle, avec ce qu’elle a de violent et de trivial. Il explique : "J’avais envie de rendre compte du monde dans lequel on vit aujourd’hui : fracturé, explosif. En forçant mon héroïne à pénétrer le milieu des malfrats pour protéger sa fille, je voyais l’occasion de confronter deux mondes à la fois proches et complètement étanches."
C'est la première fois que Thierry Klifa cosigne un scénario avec Cédric Anger (L'Homme qu'on aimait trop, La Prochaine fois je viserai le coeur, etc.). "Je savais intuitivement qu’il pouvait m’emmener sur des territoires que j’avais envie d’explorer, plus âpres et plus noirs, mais dont je n’avais pas forcément la clé ; une certaine forme de violence aussi qui m’a toujours fasciné. Même si nous ne faisons pas les mêmes films, lui et moi partageons la même conception du cinéma", confie le réalisateur.
Thierry Klifa est un passionné de films noirs américains des années 1950. Ainsi, pendant le tournage de Tout nous sépare, lui et son équipe ont revu beaucoup de films de Fritz Lang et d'Alfred Hitchcock. Ils ont aussi visionné des films de Claude Chabrol de la fin des années soixante et des années soixante-dix comme Les Noces rouges, Le Boucher et Juste avant la nuit. "Des films dans lesquels la tension monte sans qu’il y ait besoin de créer un effet particulier", selon le cinéaste.
Le rappeur Nekfeu fait ses premiers pas au cinéma dans Tout nous sépare. C'est lorsqu'il l'a vu sur une couverture des Inrocks dans lequel il faisait un entretien croisé avec Virginie Despentes que Thierry Klifa a penser à le caster pour son film. Ce dernier se souvient :
"J’avais entendu sa musique mais je ne le connaissais pas physiquement : j’ai trouvé son visage intéressant et ce qu’il disait aussi. Nous avons pris un café ensemble : il recevait souvent des propositions mais, a priori, le cinéma n’était pas sa priorité. Il a quand même accepté de lire mon projet. Trois jours après, il m’envoyait un long texto : il avait absolument envie d’être Ben."
Pour se préparer, Nekfeu a travaillé avec Nathalie Donini, une répétitrice qui lui a appris les bases du cinéma (apprendre à respirer, les règles à connaître sur un plateau, etc.) et qui l’a aidé à étudier son personnage. Thierry Klifa confie : "Je lui avais aussi demandé de mincir – je le voulais affûté. Ensuite, nous avons fait des lectures avec les autres acteurs. Le premier jour de tournage – nous tournions la scène où il débarque dans le bureau de Catherine – elle m’a tout de suite dit : "Ça va être très bien".
"Il se cache derrière une façade assez dure alors qu’en réalité, c’est quelqu’un de sensible. Il ne maîtrise absolument pas l’affaire de chantage dans laquelle il est embarqué et s’y trouve entraîné sous l’influence de son copain Rodolphe (Nicolas Duvauchelle) qu’il a toujours considéré comme un grand frère. À partir de là, j’adore la relation qui se noue entre le personnage de Catherine Deneuve et lui ; une relation affectueuse, presque maternelle."
Tout nous sépare se déroule entre Sète et Perpignan. Thierry Klifa justifie le choix de ce cadre spatial : "La nature avait un rôle primordial à jouer dans cette histoire : je savais qu’il y aurait des marécages avec une maison très retirée. En écrivant, j’ai beaucoup pensé à des films qui se déroulent dans le Bayou en Louisiane, des paysages à la fois magnifiques et hostiles… Et je voulais tourner en été pour donner à l’histoire son atmosphère un peu moite. J’ai eu la chance de tourner sur l’île de Thau, un endroit très cinégénique, avec ses docks, ses marais entourés d’eau et, derrière le calme de cette cité, la violence des parkings souterrains et des greniers qui s’ouvrent sur des toits avec le ciel et l’eau pour seuls horizons."
Tout nous sépare marque la cinquième collaboration entre Thierry Klifa et le directeur de la photographie Julien Hirsch. Pour trouver l'éclairage juste du film, les deux hommes ont visionné beaucoup de longs métrages de James Gray. Pour les scènes de jour, ils souhaitaient une lumière presque blanche, aveugle, qui contraste avec l’obscurité chaude et sensuelle des nuits.
C'est la noirceur du scénario de Tout nous sépare, proche des polars américains des années cinquante qu'elle affectionne, qui a poussé Catherine Deneuve à prendre part au projet. Mais ce n'est pas la seule raison, comme l'explique la comédienne :
"Et mon personnage, évidemment : une femme à la fois forte et protectrice, soudain piégée par une situation inattendue qui va souder quelque chose qui la dépasse entre elle et sa fille. J’ai toujours été intéressée par les relations entre mères et filles : celles qui lient mon personnage à celui de Diane Kruger sont très différentes de ce que l’on peut attendre de femmes de leurs âges. On ne peut pas dire que leurs rapports soient conventionnels !"