Dans son précédent et premier documentaire, Vertige d'une rencontre, Jean-Michel Bertrand s'était attaché à filmer l'aigle sur une durée de cinq ans. Avec La Vallée des loups, le metteur en scène a suivi le loup sauvage et libre pendant trois ans. Il a voulu observer ces animaux dans leur espace naturel le plus total :
"À l’état sauvage ces grands prédateurs évoluent librement sur d’immenses territoires. Ils ont des comportements sociaux et territoriaux à la hauteur de ces grands espaces. J’ai du mal à comprendre l’intérêt de raconter le sauvage en filmant des animaux captifs ou apprivoisés. Pas de liberté, pas de poésie, pas de magie. Seulement une image sur papier glacé, vide de son sens. Une imposture."
Après le tournage de Vertige d'une rencontre, Jean-Michel Bertrand a continué à passer beaucoup de temps dans la nature pour en observer toutes les richesses et notamment les rapaces. Il a alors découvert une vallée immense particulièrement sauvage et giboyeuse. Le réalisateur se rappelle : "Chamois, bouquetins, cerfs, chevreuils, sangliers sont nombreux. Au matin, une intuition s’insinue dans mon esprit…Ce territoire est idéal pour les loups. Une intuition qui deviendra une obsession. Voir le loup ! Filmer le loup sauvage !"
Trois ans ont été nécessaires à Jean-Michel Bertrand pour mettre son projet sur pieds. La première étape était le repérage. Le metteur en scène a ainsi passé des mois à observer tout ce qui se passe dans cette vallée sauvage. "Rester sur un piton rocheux de l’aube au crépuscule et essayer de voir à l’aide de ma lunette le moindre indice de présence de l’animal. L’hiver, la neige sera mon alliée. Il faudra sillonner la montagne, en tous sens et par tous temps, à ski de randonnée afin de découvrir les précieuses traces du grand prédateur", se souvient-t-il.
Ensuite, grâce à ce travail, Jean-Michel Bertrand a posé des caméras automatiques à des endroits stratégiques qui se déclenchent au moindre mouvement.
L'un des enjeux de cette immersion était de ne pas surprendre les loups pour ne pas les inquiéter. Jean-Michel Bertrand a donc décidé de se rendre sur leur territoire uniquement en pleine journée (entre 10h et 17h, au moment où ils bougent le moins), de systématiquement dormir sur place en pleine montagne et d'emprunter toujours les mêmes itinéraires. Il ajoute :
"Je dépose également mes petits pipis tout au long du parcours aux mêmes endroits également. De cette façon, j’espère que les loups vont s’habituer à ma présence sur leur territoire. Surtout ne pas les surprendre. Telle est ma devise !"
Jean-Michel Bertrand a dû composer en fonction des saisons, exactement comme le font les animaux. En hiver par exemple, il se déplaçait à ski de randonnée et peaux de phoque (les chevaux ne pouvant l'accompagner dans la neige) et devait faire particulièrement attention aux dangers de la montagne (chutes de pierres, avalanches, etc.).
Via ce documentaire, Jean-Michel Bertrand a cherché à faire découvrir aux gens un animal au mode de vie et à la structure sociale très sophistiqués. Il explique : "Si le loup fascine au travers des légendes et de ce qu’il évoque dans notre inconscient, il est aussi fascinant lorsqu’on apprend à le connaître et à l’observer dans sa vie quotidienne. Et finalement les deux approches finissent par se croiser et même par se mélanger. Car si l’on a écrit ou inventé autant d’histoires et de légendes à propos de cet animal depuis la nuit des temps et dans toutes les sociétés humaines, c’est en partie à cause de son mode de vie réel qui en fait un concurrent de l’Homme et dont la structure sociale n’est pas si éloignée."
Armand Amar est un compositeur habitué à faire la musique de films centrés sur la nature puisqu'il a oeuvré, entre autres, sur La Terre vue du ciel, Home ou encore Belle et Sébastien et sa suite. Pour La Vallée des loups, il a cherché à retranscrire la quête de Jean-Michel Bertrand avec cet animal pendant trois ans. Le compositeur a ainsi fait appel à six chanteurs et instrumentistes qui viennent d’ailleurs pour créer un univers un peu indéfinissable et sans connotation. Il développe :
"Langage universel, la musique transcende nos émotions, sublime les images et apporte le rythme d’un récit. Presque indissociable de l’image. C’est donc vers des musiciens traditionnels que je veux aller. Les musiques traditionnelles m’ont accaparé, elles me touchent, elles ont un rapport direct avec l’émotion. L’idée est de construire une sorte de résonance de ses moments de quêtes par des mélodies simples et directes."