Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Kurosawa
591 abonnés
1 509 critiques
Suivre son activité
3,5
Publiée le 20 novembre 2016
Face à un film d'une telle ambition, formelle et philosophique, il y aurait de quoi adopter une attitude quelque peu défensive qui laisserait transparaître un respect forcé. Car dès la séquence d'ouverture, qui annonce le programme appliqué par la suite, le film impressionne par la virtuosité de son principal outil de mise en scène, à savoir le plan-séquence, et par une esthétique (le noir et blanc) qui confine au sublime. "Les Harmonies Werckmeister" se pose alors en objet artistique exigeant qui, par des idées visuelles et sonores, va représenter une opposition entre Janos, sorte de poète illuminé qui croit en le miracle de la création, et une communauté hostile se réunissant silencieusement sur la grande place et qui cédera à la violence dans un monde au bord du chaos. Ce contraste est intelligemment figuré par le noir et blanc, avec une projection de la lumière sur les personnages qui varie selon la situation dramatique : il faut voir comment nous apparaît le visage de Janos lors de la magistrale séquence de l'hôpital, plongé dans la lumière mais dont l'expression interdite traduit l'horreur qui vient de se produire. Cette séquence du film est certainement la plus essentielle en ce qu'elle clarifie la tension dominante à travers des images métaphoriques puissantes et l'évidence d'une vision pessimiste de l'homme, inévitablement conduit à sa désolation. Parfois bouleversant, le film peut aussi être rêche, notamment dans des scènes où la connexion avec le sujet est peu évidente ou dans ces rares moments imprégnés d'un misérabilisme frontal et sans abstraction. Souvent envoûtant, grâce à un usage très spécifique du plan-séquence, avec une caméra très mobile car tout aussi capable d'aller vers les corps, de les suivre et de les laisser tourner autour d'elle, "Les Harmonies Werckmeister" est une expérience difficile mais pas inaccessible, soucieuse de donner les clés d'un cinéma singulier mais en aucun cas replié sur lui-même et dont certaines images, de même que la musique, marqueront à coup sûr de leur empreinte.
Je donne rarement d'avis sur des films mais à la vue des notes données à ce dernier, je voulais prévenir le futur spectateur de celui-ci qu'il doit énormément apprécier les plans séquences interminables, et les films avec peu de dialogues. C'est le film le plus contemplatif que j'ai pu voir. Le réalisateur a certes fait un très bon boulot mais j'ai du mal à adhérer. Tout est dit dans le synopsis tant il ne se passe que très peu de choses. Si j'ai mis deux étoiles, c'est uniquement pour le travail du réalisateur mais sinon, sans grand intérêt, enfin, selon moi :) A bon entendeur.
Dans un lieu anonyme, à une époque inconnue – mais que certains signes (l’hélicoptère de l’antépénultième plan) peuvent laisser penser être contemporaine – l’arrivée dans une petite ville sans histoire d’une attraction foraine sème le chaos. Un jeune postier, Janos Valuska, est le témoin impuissant de l’hystérie qui gagne les habitants.
J’ai attaqué l’immense Béla Tarr par la face nord en découvrant récemment son ultime film, "Le Cheval de Turin". Son ambition, sa radicalité, son austérité m’avaient terrassé. Il restera pour moi l’un des plus grands films jamais vus. Remontant lentement dans l’oeuvre de Béla Tarr, je découvre son premier film diffusé en France qui est ressorti mercredi dernier dans une salle parisienne. Ce que j’en avais lu me laissait présager un choc esthétique au moins aussi grand que "Le Cheval de Turin".
Las ! La magie n’a pas opéré. "Les Harmonies Werckmeister" m’ont laissé sur le bord du chemin. Je n’y ai rien compris. Et je m’y suis magistralement ennuyé. Ce naufrage me place dans une situation impossible à l’heure d’écrire ma critique quotidienne. Que dire de ce film ? Simuler un enthousiasme que je n’ai pas vécu au risque de l’hypocrisie ou dénigrer un film que je n’ai pas aimé au risque de la cuistrerie ?
En partisan inconditionnel du « en même temps », je vais essayer de faire les deux, en commençant par cette note schizophrène ☆☆☆☆/★★★★ à laquelle j’ai eu recours une ou deux fois dans le passé pour "The Whale" ou pour le dernier Terrence Malick.
Sans doute "Les Harmonies Werckmeister" est-il un chef d’oeuvre qui mérite quatre étoiles. Un chef d’oeuvre par sa forme épurée, ses trente-neuf plans-séquences d’une virtuosité folle (celui qui ouvre le film et en annonce le sujet ou celui du sac de l’hospice), son noir et blanc majestueux, la musique hypnotisante de Mihaly Vig. Un chef d’oeuvre par les thèmes autant politiques que métaphysiques qu’il aborde, sur les totalitarismes, le lien social et la condition humaine.
"Les Harmonies Werckmeister" n’en demeure pas moins un chef d’oeuvre indigeste, à la durée intimidante (deux heures et vingt cinq minutes), à la lenteur rebutante, à la noirceur désespérante et à l’opacité revendiquée. Ainsi de cette scène que j’ai évoquée du sac de l’hospice où on voit, sans en connaître les motifs, une foule muette, ivre de violence pénétrer dans un hospice insalubre et en bastonner systématiquement les patients hagards jusqu’à trouver, dans la dernière salle, derrière un rideau de bain, un vieillard nu au corps décharné (référence aux prisonniers cadavériques des camps de la mort nazis ?) devant lequel sa violence déchaînée se fige.
Pourquoi lisez-vous ce texte ? Quelques-uns parmi vous sont des amis fidèles que mon avis intéresse et amuse. Mais la plupart sont des inconnus qui, à raison, se contrefichent de mon opinion. Vous me lisez – et vous cesserez bientôt de me lire si je continue à me regarder le nombril – pour avoir un avis éclairé sur un film, soit que vous l’ayez déjà vu et que vous souhaitiez confronter votre point de vue avec le mien, soit que vous ne l’ayez pas encore vu et hésitiez à le voir. Dans cette mesure, que dois-je vous dire des "Harmonies Werckmeister" ? Que je n’y ai rien compris ? cela vous fera une belle jambe. Qu’il faut aller le voir parce que c’est un chef d’oeuvre ? Que vaut cette prescription douteuse en faveur d’un film dont je viens de dire que je m’y suis copieusement ennuyé ? Au moins le cinéma de Béla Tarr aura-t-il eu le mérite d’interroger mes limites….
Très beau film où la forme est quasiment impeccable. Je reprocherais juste quelques maladresses et des plans interminables qui certes contribuent à l'ambiance du film mais peuvent aussi contribuer à l'ennui. Ceci dit le fond est intéressant et les acteurs jouent juste, d'ailleurs les personnages sont intéressants. Pour résumer en quelques mots je dirais juste que le début et la fin sont magnifiques ( et je pèse mes mots) mais qu'il y a un creux au milieu qui ne m'a pas permis d'apprécier pleinement le film. Le tout reste quand même très bon et je le conseille vivement.
C'est un film qui a le mérite de sortir du lot et de proposer des choses originales et novatrices. Les Harmonies Werckmeister est vraiment un film étrange, sombre, poétique, mystérieux. Je n'ai pas adoré contrairement à certains mais je lui reconnais ses nombreuses qualités. Déjà en terme de mise en scène et de photographie y a pas grand chose à redire. C'est très réussi. Et puis le film s'appuie sur une BO de très bonne qualité également. Après si on parle du sujet en lui même, je pense que tout le monde peut le ressentir d'une façon différente et c'est ça aussi qui fait de ce film une expérience cinématographique.
La première scène des "Harmonies Werckmeister" donne déjà le ton : il s’agit dune splendeur, l’une des plus belles introductions que j’aie eu l’occasion de voir. Assister à la danse des astres rejouée par une poignée d’ivrognes est d’une beauté inattendue mais bouleversante. La suite du film est à l’avenant : Tarr Béla raconte avec brio l’histoire d’un village confronté à une crise majeure survenue à cause de l’arrivée d’une baleine. L’atmosphère devient viciée, les habitants se crispent mais János est subjugué par le spectacle du monumental animal. Leur rencontre dans un camion garé sur la place principale touche au plus profond, transmettent sans peine l’exaltation divine du protagoniste. On ne sait jamais trop où on en est : comme les personnages, on est dérouté par ce qui se passe, on sent que quelque chose ne va pas, mais on ne sait pas quoi. Il ne reste plus qu’à se laisser porter par les magnifiques plans-séquences qui parcourent le film, sa musique, son ambiance et sa poésie. "Les Harmonies Werckmeister" porte bien son titre : ce n’est pas un film, c’est de la musique.
Voilà un film fortement interessant. Il s'agit ici pour le réalisateur de montrer un monde déséspéré, en chute libre. Et on ne peut nier que, dans l'ensemble, c'est franchement une réussite; un noir et blanc très noir (on me passera l'expression ...), un scénario qui avance lentement, mais inéluctablement, vers une fin tragique, une musique terriblement triste ... Cependant, on a parfois l'impression que le réalisateur cherche à impressionner, notamment à l'aide de nombreux plans-séquences silencieux (le film n'est d'ailleurs principalement construit que de cela) qui, s'ils contribuent bien à l'atmosphère du film, suscitent également l'ennui, ce qui est d'autant plus d'hommage, car ce film, qui reste de grande qualité, aurait vraiment pu, compte tenu de son fond, être un véritable chef d'oeuvre ...
Ces ‘Harmonies Werckmeister’ bénéficient de la réputation enviable d’être un des plus beaux films européens des 30 dernières années...mais uniquement auprès de la frange la plus auteurisante des cinéphiles. On en parla comme “d’un des plus grands moments confidentiels� de l’édition 2000 du Festival de Cannes, c’est dire si même au sein d’un rassemblement de passionnés et de tout ce qui compte dans le 7ème Art, ce genre de cinéma, qui se rattache de fait à une longue tradition du cinéma “intellectuel� d’après-guerre, passa inaperçu. Il est vrai que les oeuvres de Béla Tarr ne font rien, mais alors strictement rien, pour complaire au grand public. Pendant longtemps, très longtemps, plus de deux heures trente, on suit les pérégrinations cycliques d’un certain Janós à travers une petite ville sinistrée d’Europe de l’est : Janós semble être le lien qui unit tous les habitants du crû, une sorte d’entité bienveillante à l’écoute et au service de chacun, qui fait preuve d’une indéfectible foi en l’humanité. Parallèlement, on découvre György, un vieillard reclus qui élabore une théorie harmonique iconoclaste, basée sur les réflexions du musicien Andréas Werckmeister, qui vise à faire table rase du passé pour résoudre les problèmes esthétiques et philosophiques qui se posent en musique. Malgré l’accent répété mis sur les tâches très ordinaires qu’accomplissent les personnages, ‘les harmonies Werckmeister’ se développe davantage à la façon d’une rêverie que comme un récit au sens traditionnel du terme, déroulant paresseusement dans un noir-et-blanc charbonneux un nombre limité de plan-séquences qui s’étirent démesurément dans le temps. Le film foisonne pourtant d’idées et de métaphores : on peut y déceler une parabole christique sur le sacrifice d’un homme qui s’obstine à penser qu’il est possible de subvertir la noirceur humaine. On peut y voir une évocation des années d’autoritarisme propre à la région, où les notables se sont toujours arrangés avec le pouvoir pour dominer les masses. Tout y est potentiellement allégorie, introspection, philosophie, toutes choses qui ont déserté le cinéma ouest-européen depuis très longtemps (ou sont indiqués avec des panneaux lumineux sur-explicatifs dans les rares cas où on les rencontre encore). Béla Tarr n’offre pas un point de vue mais un support qui, visuellement, thématiquement, artistiquement, a pour vocation de forcer la réflexion et l’imagination. Je conçois qu’on puisse trouver cette vision d’un ennui absolu et malgré la volonté de transformer chaque plan en oeuvre d’art sacralisée (voir la scène d’ouverture où Janós simule le fonctionnement de l’univers en compagnie de quelques ivrognes silencieux), le résultat génère souvent lassitude et ennui...sans doute parce que si certains de ces interminables plans-séquences sont effectivement des merveilles, il est sans doute humainement impossible de conserver le même niveau d’exigence trente neuf fois d’affilée. Bien qu’on puisse le rapprocher de Jodorowsky (en moins fantasque) par son recours à un certain réalisme magique (l’élément qui bouleverse l’équilibre fragile de cette petite communauté est l’arrivée d’un cirque dont l’attraction vedette est une immense baleine en décomposition) ou de Tarkovsky avec qui il partage le don d’étirer démesurément la réalité jusqu’à la rendre hypnotique et celui d’esthétiser à l’extrême la banalité, Tarr est surtout un cinéaste unique, exigeant, abscon, presque inaccessible...qui, après un ultime long-métrage en 2001 (‘Le cheval de Turin’) se résolut à jeter l’éponge, convaincu qu’il n’y aurait plus de place ni de public pour sa vision du du cinéma dans le nouveau siècle (et même si ce n’est pas une raison suffisante pour tout plaquer, il avait sans doute raison…)
Béla Tarr est tout simplement l'un des derniers génies du 7e art en activité. Son cinéma exigeant est marqué par une apparente contradiction : il allie à la fois maîtrise époustouflante du matériau cinématographique et ouverture de l'oeuvre produite, laissant libre court à toute interprétation. Cette fausse opposition est résolue par la subtilité avec laquelle Béla Tarr s'attaque à son sujet, jamais la technique (pourtant étourdissante de puissance) n'est gratuite ou ne s'apparente à une démonstration de force, elle est entièrement dédiée à la suggestion des images, d'une profondeur abyssale. Mais le plus incroyable c'est que si chaque séquence prise individuellement comporte son lot de richesses, chaque nouvelle séquence qui s'ajoute vient en bouleverser le sens pour parfois même s'y superposer et conduire ainsi le récit vers des sommets insoupçonnables. Ce qui m'a encore plus impressionné c'est la façon dont le cinéaste hongrois a su se renouveler par rapport à son chef-d'oeuvre «Sátántangó» tout en s'ancrant dans la continuité : l'approche thématique est similaire, tout comme l'esthétique, mais néanmoins de façon presque imperceptible le tout résonne d'une manière complètement différente dans notre esprit. On se laisse porter par ces séquences hallucinées et hautement contemplatives, au gré de l'imagination du réalisateur et peut-être plus encore de la nôtre. S'il est difficile d'appréhender du premier coup le cinéma de Béla Tarr (les novices seront certainement surpris par cette absence d'unicité du point de vue narratif, la lenteur des séquences ou encore l'absence d'enjeux au premier abord), il est cependant indéniable qu'il s'adresse à tous tant il parvient à reproduire l'essence de la vie, son rythme le plus pur. Plus aboutit que «Sátántangó», forcément moins impressionnant, «Les Harmonies Werckmeister» est tout autant inoubliable, et surtout indispensable. Le cinéma du XXIe siècle a fait ses fracassants débuts avec ce grand chef-d'oeuvre de Béla Tarr! [4/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/
Film énorme, du premier plan séquence, juqu'au dernier on est fasciné par tant de beauté, je me suis même pas intéressé à l'histoire en détail tant la forme m'a boulversé, cette utilisation de la musique, cette beauté qui traverse tout le film reste gravé dans mon esprit. Il faut que je revois ce film au plus vite, pour voir le fond de l'histoire que je n'ai qu'aperçu tant la forme m'a bluffé.
Je ne suis pas certain d'avoir tout compris. Ce film en noir et blanc recèle un certain nombre de très beaux plans mais le noir et blanc est loin d'être de toute beauté.
Sans doute un des titres majeurs de la filmographie du hongrois Béla Tarr, un des plus éminents représentant du slow cinéma ( suite de longs plans séquence, aux effets quasi hypnotiques, dotés de peu de dialogues).
Tarr, sans doute un des cinéastes les plus Schopenhaueriens du septième art, convoque ici la figure du prophète Jonas ( on retrouve sa présence dans les textes sacrés des trois monothéismes) pour porter un regard désespéré ( le réalisateur dirait " tragique" ) sur la condition humaine.
L'esprit des Lumières, le poids de la beauté et de ses subtilités, de la culture haut de gamme ( un intellectuel étudie les théories musicologiques complexes du théoricien allemand du XVII e siècle Werckmeister) ne pèseront pas lourd face à la négativité et la barbarie des Hommes et du monde.
Ce serait commettre une erreur d'interprétation que de penser que ce regard serait cantonné à celui du camp socialiste soviétique.
Pour Tarr, il n'y a rien à espérer. Même l'observateur bon et serviable ne pourra pas se sauver et sera gagné par la folie, la sidération..
Témoin de la désespérance absolue ; même la baleine figure allégorique biblique envoyée par Dieu pour punir Jonas fuyant sa mission ( convertir Ninive où règne le chaos) a été capturée par le mal et en meurt.
Je ne sais pas comment exprimer ce que j'ai ressenti en visionnant ce film, c'est au délà des mots. Puissant ? Beau ? Emouvant ? Troublant ? La force qui s'en dégage m'a fait comprendre qu'il y avait une vie en dehors du cinéma commercial. C'est comme une expo photo qui serait en mouvement et sonorisée. Sans doute est-ce de l'Art ? Mais en fait je m'en fous, à ce stade ça n'a plus aucune importance.
Je découvre enfin l'univers unique de Béla Tarr. Sachant de prime abord qu'il avait inspiré le grand Gus Van Sant, je ne pouvais qu'adorer. Les Harmonies Werckmeister est un véritable OVNI du cinéma contemplatif, un chef d'oeuvre de l'hypnose. Le destin pathétique de Janos, être idéaliste qui croit encore à la bonté de l'Homme, est absolument sidérant. Ce qui est particulièrement beau, c'est que ce personnage conserve son optimisme en dépit du chaos qui s'installe autour de lui. L'ouverture est un moment de poésie fabuleux : on y voit des comédiens d'un soir, à l'ivresse de toujours, littéralement transportés sur orbite par le magicien Janos. L'Oeuvre d'art de Béla Tarr est composée de plans séquences tous plus beaux les uns que les autres : travellings épousant les corps des personnages déambulant dans cette cité déchue ( on voit le style qui a inspiré Van Sant pour Last Days ou encore Gerry ), noir et blanc charbonneux qui confine à la grâce, panoramiques envoûtants, etc...Une pièce maîtresse dans le cinéma de ce début de siècle. Long mais tellement beau : un direct au coeur.
Quelle joie rare de pouvoir porter au pinacle un film récent! «Les harmonies Werckmeister» (2000) de Béla Tarr constitue à ce jour le chef-d'oeuvre de son auteur, supérieur même, car plus dense et concis, à «Satantango» pourtant déjà très remarquable. On y observe deux hommes qui gardent leur espérance intacte au coeur d'une ville livrée au chaos et à la violence du communisme hongrois. Le premier, simple d'esprit, s'émerveille des beautés de la création et de l'harmonie du cosmos. Le second, musicologue d'occasion, proclame sa nostalgie de l'harmonie des sphères et d'une musique idéale basée sur la gamme pythagoricienne. Il maudit d'ailleurs Andreas Werckmeister d'avoir compromis son idéal par ses spéculations sur le tempérament. Nos deux «héros» s'accordent bien sûr dans leur commune contemplation de la musique inaudible de l'univers et ils vont de la sorte tenter de survivre au chaos. Celui-ci sera proche de les anéantir mais ils en réchapperont de justesse. Et la douloureuse scène finale laisse poindre au coeur de la désolation une petite mais poignante ouverture vers la lumière. On ne sait ce qu'il faut le plus louer dans ce film richissime et en tous points remarquable: la photographie merveilleuse qui renoue sans complexes avec le noir et blanc, l'incroyable pouvoir de suggestion du style inimitable de Tarr (cfr les rythmes obsessionnels des marches) ou encore la divine lenteur des plans-séquences qui épousent le rythme même de la vie! On n'évoquera qu'une seule scène, merveilleuse: la première, qui suggère le thème central du film! Tarr y chorégraphie une danse d'ivrognes qui miment la mécanique céleste. Mais ce n'est là que le premier coup d'éclat d'une oeuvre parmi les plus puissantes de ces dernières années!