Il faut voir Cats pour la bizarrerie que le film contient et procure à un spectateur à qui il aime brouiller les repères spatio-temporels et dramatiques. L’ensemble avance groupé en faisant du sur-place, les séquences se répètent, les décors aussi, et pourtant la musique porte en avant un crescendo lyrique dont l’acmé laisse éclater une grâce et quelques fulgurances sublimes. La mise en scène de Tom Hooper échoue souvent à épouser le mouvement des performances artistiques si bien qu’il cloue ses personnages au sol, tels des chats écartelés entre leur souplesse véloce et leur ancrage terrestre : les plans sont courts, trop courts, les mouvements de caméra stéréotypés, trop stéréotypés. Mais pourtant naît sous nos yeux un univers à part dans lequel nous déambulons, sans vraiment comprendre ce qu’il s’y passe. Le summum de l’étrange réside, à n’en pas douter, dans la maison de Jenny – interprétée par Rebel Wilson, hilarante – où cette dernière prend des poses voluptueuses qu’elle ne sait pas tenir et croque des cafards militairement rangés marchant au pas sous la table. Hooper paraît refuser la folie mobile chère au cinéma de Baz Luhrmann (pensons à Moulin Rouge ! qui ne tient pas en place) pour mieux inscrire les déplacements de ses félins dans un espace scénique, rappelant l’origine même de la comédie musicale. Procédé parfois maladroit, mais qui donne lieu à une poignée de séquences magiques, notamment « Skimbleshanks: The Railway Cat » et ses claquettes sur les rails londoniens. Enfin, s’il fallait retenir une performance vocale et artistique, ce serait celle de Jennifer Hudson, bouleversante en Grizabella, avec sa chanson « Memory ». Porté par la musique virevoltante et superbe du compositeur original Andrew Lloyd Webber, Cats 2019 n’est donc pas la catastrophe annoncée. Les effets visuels, omniprésents, doivent être considérés comme des artifices, de la même manière que les costumes recouvrent sur scène le corps des acteurs et danseurs : la fausseté est visible, mais là n’est pas l’essentiel. Comme au théâtre, il faut accepter l’univers fictionnel que l’on sait faux et se laisser saisir par le spectacle. Ce que le film réussit amplement. Une modeste réussite, mais une réussite tout de même.