Il est de bon ton de se rire de BHL. J’ai plus d’une fois essayé de prendre sa défense, trouvant à « American Vertigo » et même au « Serment de Tobrouk » certaines qualités politiques sinon cinématographiques. Si l’on fait l’effort de faire taire l’antipathie que ses poses prétentieuses suscitent, il faut honnêtement reconnaître à BHL, même s’il les exagère devant les caméras, une détermination, une fougue, une force de conviction qui sont monnaie peu courante à une époque où il est de bon ton d’arborer un sourire désabusé ou de s’illustrer par quelque trait railleur.
Pour autant, je serai sans indulgence pour son dernier documentaire. Je ne le serai pas pour m’être rallié aux critiques les plus virulentes couramment adressées au philosophe-à-la-chemise-blanche. Car, pour une fois, signe d’une fatigue dû à l’âge, ou prise de conscience tardif qu’il était son pire ennemi, BHL se met étonnamment peu en avant. Bien entendu, il psalmodie d’une voix nasillarde (qui singe involontairement Malraux pour mieux lui ressembler ?) un texte grandiloquent, même s’il faut lui reconnaître du style. Mais, à cette réserve près, « Peshmerga » le met moins en scène que ses précédentes réalisations.
Le problème est ailleurs. Il vient de ce que BHL et son équipe se sont paresseusement contentés de suivre les armées du Kurdistan irakien sur la ligne de front. Embedded parmi des peshmergas trop contents d’accueillir cet hôte de marque dont il espère, non sans raison, qu’il se fera le propagandiste de leur cause, perdant toute objectivité pour sombrer dans un manichéisme pro-kurde sans nuances, BHL filme des briefings, des assauts et des victoires répétitives et sans enjeu. L’ennemi reste invisible. Moins on le voit, plus la menace qu’il fait peser, nous dit-on sur la région et sur le monde, perd en acuité.
Du coup, « Peshmerga » rate sa cible. D’un côté, il n’a pas le recul suffisant pour nous faire comprendre les enjeux géopolitiques d’un conflit qui nous reste obscur. De l’autre, il reste trop éloigné des combattants qu’il filme pour faire naître – comme l’avait fait par exemple l’excellent documentaire « Irak année zéro » – une réelle empathie avec eux.