Jero Yun a rencontré Madame B lorsqu'il faisait des recherches sur les réfugiés de Corée du Nord pour les besoins de son précédent film Looking for North Koreans. Ce sont les contacts qu'il avait gardés lors de son métrage qui lui ont permis d'être mis en relation avec Madame B. Cette dernière est alors devenue son intermédiaire avec les Nord-Coréens réfugiés en Chine qu'il a pu interviewer. Il se rappelle :
"Progressivement, Madame B et moi avons sympathisé, elle m’a invité chez elle et m’a suggéré de faire un film sur elle. Elle avait envie que sa vie extraordinaire soit montrée aux gens. Mais je ne me sentais pas encore prêt. Le film est donc véritablement né plus tard, lorsqu’elle a décidé de passer en Corée du Sud et que j’ai accepté de l’accompagner jusqu’en Thaïlande."
Pour filmer Madame B, Jero Yun a effectué avec elle et d’autres clandestins nord-coréens une traversée de la Chine, du Laos et d’une partie de la Thaïlande. Les conditions de tournage étaient particulièrement difficiles. Le cinéaste se rappelle ainsi l’ascension des montagnes qui relient la Chine et le Laos :
"Marcher avec les autres clandestins tout en filmant et en prenant le son seul m’était cependant devenu impossible tant j’avais moi-même du mal à survivre. Des réfugiés nord-coréens m’aidaient, c’était une relation très étrange, car j’étais pour ma part incapable de les aider physiquement. Parfois, les passeurs soutenaient quelques groupes épuisés en portant leurs sacs. Il y avait des moments d’entraide et de partage. Durant le périple, j’ai donc filmé tout ce que je pouvais filmer, mais dans certaines situations, c’était impossible. Un passeur laotien, notamment, avait un visage qui ne m’incitait pas à sortir la caméra… D’autres fois, ma blessure et la faim m’empêchaient de filmer. Quand je suis arrivé en Thaïlande, je ressemblais à un clochard. Sur place, je me suis fait contrôler quatre fois par les autorités, tant ma situation de clandestin était évidente."
Madame B, histoire d'une Nord-Coréenne a été présenté à Cannes à la sélection de l'ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion).
Aujourd'hui, Madame B va bien, ne vit plus avec sa famille nord-coréenne chez son fils mais s’est installée dans un petit studio dans la banlieue de Séoul. Elle retourne de temps en temps voir sa famille chinoise mais ne peut pas faire venir son mari chinois (il ne peut pas obtenir de visa). Madame B a ainsi refait sa vie toute seule, a ouvert un bar dans lequel elle travaille et envoie un peu d’argent à ses deux familles tous les mois.
Madame B, histoire d'une Nord-Coréenne a été présenté dans divers festivals. Parmis eux : le Festival de Cannes en sélection ACID (mai 2016), le Festival International du Film Entrevues (Décembre 2016), le Belfort Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (Février 2017). Le film a par ailleurs obtenu le Prix du Meilleur documentaire au Moscow International Film Festival 2016 et au Zurich Film Festival de la même année.