Charmante petite curiosité découverte lors du dernier FIFF, « Le voyage au Groenland » est un film qui, sous des airs faussement légers, nous fait voir une belle amitié. Sébastien Betbeder, le réalisateur français de « 2 automnes 3 hivers », nous livre un film qui nous fait penser à « Rendez-vous en terre inconnue » avec beaucoup d’humour ! Heureusement car si ce film est si particulier, c’est parce que ce dernier est justement dosé et jamais moqueur ! Nous rigolons souvent de bon cœur en voyant les mésaventures de ces deux jeunes amis très touchants.
Lors de l’interview de Thomas Blanchard recueillie dans le cadre du FIFF (et retranscrite sur notre site), nous apprenions que ce long métrage est la suite d’un court métrage : « Inupiluk ». Ce dernier mettait également en lumière les deux comédiens : Thomas Blanchard et Thomas Scimeca qui accueillaient pour l’occasion des Inuits à Paris. Ce film est un peu une boucle qui se termine en permettant aux Thomas de découvrir la culture de leurs invités et de beaux paysages polaires.
« Le voyage au Groenland » magnifie des étendues de glace à perte de vue, et présente d’une bien belle façon ce petit village inuit aux maisons colorées. Thomas et Thomas seront d’ailleurs invités à suivre les activités de chasse et de pêche des ainés. Ce qui amènera naturellement le spectateur à sourire tant la rencontre et le choc des cultures sont fortes. Mais, comme nous le disions précédemment, cela se fera toujours dans le respect des uns et des autres. Ici, pas de jugement ou d’interprétation hâtive, juste une immersion bienveillante vers l’autre avec son quotidien, ses joies et ses difficultés. Ce film participe aussi à la lecture de notre propre société où le temps, la rentabilité et les distractions (parfois futiles) l’emportent bien trop souvent. Aussi, nombreuses sont les scènes où le réalisateur prend le temps de nous montrer la vie et de nous interroger sur nos propres pratiques.
Les deux comédiens sont brillants et remplissent à merveille ce registre de la douce comédie existentielle. Mention spéciale pour Thomas Blanchard qui opère ici un virage à 180 degrés depuis l’excellent « Préjudice » d’Antoine Cuypers. C’est simple : cet acteur nous prouve sa capacité à changer de registre pour irradier une nouvelle fois l’écran. L’autre Thomas (Scimeca) n’est pas en reste et se montre à la hauteur de son rôle. Quant à Nathan, le père du premier Thomas, il est très justement interprété par François Chattot, figure bien connue du cinéma français.
Alors bien sûr, il serait réducteur que de n’y voir qu’une comédie tant les sujets développés sont riches. En filigrane nous sommes témoins de la relation parfois compliquée entre un père et son fils. Mais pas seulement, on aborde aussi le départ des jeunes Inuits pour les grandes villes, engouement motivé par l’explosion de l’accès à Internet et aux réseaux sociaux, et donc la découverte d’une autre vie que la leur. C’est aussi l’occasion de montrer les ravages qu’a pu faire jadis l’alcool dans ces communautés ancestrales.
Nous ne pouvons clôturer notre avis sans évoquer la musique, absolument sublime et envoutante du compositeur de musique électronique Minizza (Franck Marguin & Geoffroy Montel) qui, au moyen de quelques notes au synthé, nous transporte véritablement vers de froides contrées avec le risque de garder en mémoire longtemps encore leurs très belles mélodies.
Véritable coup de cœur du FIFF 2016, « Le voyage au Groenland » est un film réussi, beau et porté par des comédiens talentueux. Il mérite amplement notre trajet vers le cinéma le plus proche !