En donnant forme à ce conte cruel avec fin heureuse, Sébastien Laudenbach a cherché à faire un film d'animation qui s'adresse à tous : "Les thèmes : le corps, l’émancipation et l’amour sont des choses qui intéressent les enfants. Ils n’ont pas de jugement moral. Et si ils ont peur du diable, le sang ne les effraie pas. Ils ne sont pas choqués non plus par la nudité. Tout est dessiné, rien n’est vrai, on est dans la métaphore. Les enfants le ressentent, les adultes le comprennent."
Le film d'animation de Sébastien Laudenbach est une adaptation moderne du conte des frères Grimm. A la lecture de ce dernier, le metteur en scène a tout de suite été saisi par la trajectoire de cette jeune fille qui, privée de ses capacités d’action, doit prendre sa vie en main.
Pour Sébastien Laudenbach, l'esthétique particulière de La Jeune Fille Sans Mains découle naturellement de la fabrication des personnages en quête d’eux-mêmes (et non d'une réflexion sur ces mêmes personnages). Il note :
"Ce point de vue est intéressant, car il y a eu une sorte de fusion entre mon personnage principal et moi-même. Et ce film, sous cette forme, est arrivé à un moment très singulier de ma vie, c’est un tournant personnel. Etant moi-même en quête de quelque chose pour les années à venir, il est certain qu’il n’y a pas de hasard à ce que ce film adopte cette forme."
Par rapport au fait d'avoir choisi Anaïs Demoustier pour doubler la jeune fille et Jérémie Elkaïm pour le prince, Sébastien Laudenbach se rappelle : "Pour la jeune fille, j’ai posé des voix de comédiennes sur un plan. En le montrant autour de moi, on m’a toujours désigné Anaïs Demoustier. En imaginant Jérémie Elkaïm pour le prince, à cause de sa voix douce, je ne savais pas qu’il formait un couple avec Anaïs. Coïncidence. Pour les autres, ce sont le timbre, l’accent, les choix de carrière. Sacha Bourdo et Elina Löwensohn jouent les alliés de la jeune fille. Je voulais qu’ils viennent d’ailleurs. Sacha est russe, Elina roumaine, cela colore les dialogues, volontairement très stylisés."
Sébastien Laudenbach a voulu inscrire son adaptation dans une grande tradition comprenant un temps lointain réinventé, un pays indéterminé et des personnages qui sont davantage des figures que des caractères. Le réalisateur a aussi ancré cette histoire dans une nature métaphorique : "Le diable polymorphe plus faune que démon, la déesse de la rivière dont le cycle, élément féminin, structure la topographie du voyage de la protagoniste, une forêt sombre, un plateau montagneux propice à l’isolement...", confie-t-il.
Sébastien Laudenbach raconte avoir peint le film d'animation sur papier, "du premier plan au dernier dans l’ordre chronologique d’une façon plus ou moins improvisée ainsi que le ferait un jazzman sur un canevas". Il poursuit : "Il en résulte un film qui donne une grande importance au dessin, un dessin léger et parsemé de trous, qui bien souvent ne trouve sa cohérence que lors de sa mise en mouvement, ce qui est l’essence de l’animation".
La particularité de La Jeune Fille Sans Mains est également de posséder des dessins qui ne sont pas achevés. "J’aime à penser que cet infini ouvre l’imagination du spectateur dont le cerveau, en manque, doit travailler pour en combler les lacunes. Tout comme cette jeune fille dont l’absence béante de mains l’oblige à avancer", termine Laudenbach.