Ne lisez pas le petit dépliant sur papier glacé disponible à la caisse! Prenez le, et lisez le -après. En effet, le jeune réalisateur hyper doué, Kôji Fukada y explique longuement comment il a voulu étudier en détail cette absurdité qu'est la famille. Comment elle se fait, comment elle se défait. C'est vrai: cet aspect là est présent, surtout dans la deuxième partie. Mais, comme vous avez lu qu'il s'agit de l'intrusion d'un mystérieux inconnu dans une famille unie d'une petite ville japonaise, vous allez vous attendre à une oeuvre intello, un peu prise de tête..... genre Théorème quoi. Or, c'est avant tout un formidable, un effrayant thriller (à la coréenne.... on pense forcément au génial Park Chan-Wook, mais en plus psychologique, en plus feutré, et en moins gore: il n'y a guère qu'une image dérangeante). Où se mêlent la culpabilité, l'esprit de vengeance -et le secret.
Le film est en deux partie. Un jour Toshio (Kanji Furutashi), qui exploite un modeste atelier de mécanique voit à sa porte, venu du passé, Yasaka (Tadanobu Asano) qui sort de dix ans de prison. Ils étaient amis -mais en dix ans, Toshio ne lui a pas rendu une seule fois visite. Alors pourquoi lui offre t-il tout à coup, non seulement un travail dans son atelier, mais le gite et le couvert? Qu'est ce qui les a liés, dans ce passé? Et qu'à fait, au juste, Yasaka? Tout cela nous est distillé, à petites gorgées, tout au long du film.
Yasaka pourrait être un fantôme venu d'autrefois. Il est raide. Ses gestes sont raides. Il est inexpressif. Il porte toujours des chemises blanches immaculées. Ce blanc est important. Le code de couleurs est important. Car il y aura aussi du rouge trois fois: une robe de fête de petite fille; un tee-shirt; le sac à dos d'un ado. Toujours exactement le même rouge carmin, violent, qui agresse l'oeil.
Toshio a une adorable, une joyeuse petite fille, Hotaru, (Momone Shinokawa) d'une dizaine d'années, qui apprend l'harmonium. Bizarre, non? Imaginer qu'au Japon il y a des enfants qui apprennent l'harmonium.... Elle aime bien son instrument, moins son prof.... Autre bizarrerie, la famille est protestante, du moins l'épouse de Toshio, Akie (Mariko Tsutsui) l'est, très pratiquante et très croyante. Ce qui peut expliquer en partie son évolution dans la seconde partie du film. Au début, elle s'étonne de l'accueil de Yasaka. Puis, petit à petit (c'est l'aspect Théorème....) elle est séduite par ce garçon bizarre mais charmant, carrément plus séduisant que Toshio, et qui joue de l'harmonium, lui aussi... On se livre, on organise des pique-niques, on fait des photos de groupe...
La deuxième partie du film se passe huit ans après. Hotaru (Kana Mahiro) ne fait plus de musique. Yasaka est parti. L'atelier de mécanique marche plutôt bien. Et Akie est devenue une obsédée de la propreté. Cette moderne lady Macbeth se lave les mains, en comptant, plus longtemps qu'un chirurgien avant une opération à coeur ouvert. Et ne se déplace jamais sans ses lingettes désinfectantes. Un nouveau personnage, un jeune apprenti, Takashi (Taiga) va prendre sa place dans le puzzle familial qui peut à peut, se met en place.
Je crois que le mot qui résume le film, c'est: perfection. La subtilité dans le déroulement du scénario, l'angoisse latente qu'il suscite, tout cela est magistral. A voir absolument!!