Après "American Honey" ou "The Florida Project", "Mobile Homes" s'intéresse à nouveau à la face cachée de l'Amérique, celle des laissés-pour-compte qui tentent de subsister dans un système qui ne leur a jamais donné leur chance et préfère oublier leur existence.
Presque ironiquement, Ali (Imogen Poots) poursuit pourtant un cliché de ce fameux rêve américain partagé par ses millions de concitoyens : avoir sa propre maison pour y vivre avec son fils Bone et son petit ami Evan (Callum Turner). Maintenue dans une illusion permanente que cela arrivera dans un futur proche par ce dernier, elle préfère mettre des oeillères sur leur mode de vie actuel constitué de petits larcins où son fils prend d'ailleurs une place de plus en plus prépondérante. Et puis, un jour, arrive le point de rupture, Ali ouvre enfin les yeux sur la chimère dans laquelle la maintient Evan afin d'utiliser l'innocence de son fils à des fins illégales et prend la fuite en s'endormant par hasard dans un mobil-home. Grâce à cet heureux concours de circonstances, elle découvre une nouvelle voie, plus honnête et surtout plus à même de lui permettre de voir son rêve se concrétiser. Mais l'ombre d'Evan rôde, prête à la faire retomber dans ses travers...
S'il est certes plus anecdotique que les titres cités en préambule, ce premier long-métrage du français Vladimir de Fontenay (adapté d'un court de 2013) ne démérite pourtant pas dans son portrait d'une frange de l'Amérique laissée à son propre sort et impressionne surtout par sa capacité à capter la fragilité de son héroïne pris entre les feux de sa vie marginale et d'une forme de stabilité qu'elle semble prête à embrasser. En ce sens, le fameux mobil-home du titre, une maison en mouvement, est forcément une représentation parfaite de trait d'union entre ces deux formes d'existence, une sorte d'équilibre enfin trouvé pour Ali. Mais, à chaque fois que la balance se met à trop pencher d'un certain côté, que cela soit celui d'abord d'Evan ou ensuite celui de Robert (Callum Keith Rennie), le propriétaire du mobile-home incarnant une figure paternelle rassurante, Ali se retrouve plongée en plein dilemme devant ce croisement existentiel et préfère prendre la fuite.
La force du film est d'impliquer véritablement le spectateur dans les tergiversations du personnage superbement interprétée par Imogen Poots : lui faire comprendre, dans un premier temps, son besoin d'échapper aux promesses sans avenir d'Evan, lui faire ressentir un début de bonheur devant la naissance d'une certaine normalité et, dans un deuxième temps, créer un malaise en la voyant retomber peu à peu au piège de la toile dont elle était en train de s'extirper, donner vie à l'écran à cette fuite en avant métaphorique du personnage lors d'un dernier acte ne lui laissant plus qu'une décision drastique à prendre face à son inaptitude à choisir telle ou telle voie et, enfin, le laisser sur un magnifique dernier plan synonyme d'un K.O. émotionnel assez puissant.
On peut donc clairement parler d'un joli premier film, encore parfois hésitant entre une approche naturaliste et quelques effets clippesques un peu superflus, mais lorsqu'il s'agit de capter l'essence même de son personnage principal pour la faire partager au spectateur, "Mobile Homes" fait invariablement mouche et en devient donc forcément très prometteur.