Xavier de Lauzanne a vécu à Hanoï, au Vietnam, entre 1996 et 2000 où il travaillait sur un projet de formation hôtelière pour des jeunes en difficulté. Parallèlement, il rêvait de faire du cinéma :
"En 1999, je me suis acheté ma première caméra et j’ai suivi un ami cyclopousse à Hanoï, entre deux 14 juillet. Du 14 juillet 1999 jusqu’au 14 juillet 2000. C’est ainsi que j’ai commencé, comme autodidacte, à réaliser. Ensuite j’ai rencontré, à Phnom Penh, Christian et Marie-France des Palières qui avaient besoin d’un film pour leur communication. Ce couple faisait chaque année une tournée en camping-car afin de récolter des dons et des parrainages pour leur association. Je leur ai proposé de faire leur film. Au final, il a bien circulé et a permis de récolter beaucoup de dons et de parrainages... J’ai donc décidé de persévérer dans la voie du documentaire. Mais si je vis aujourd’hui au Cambodge c’est parce que mon épouse a été nommée à l’institut Pasteur à Phnom Penh", se rappelle-t-il.
Le cinéaste Xavier de Lauzanne avait, en 2005, réalisé un documentaire pour France 5 autour du couple Christian/Marie-France et la décharge. C'est depuis ce moment que lui est venue cette envie de développer un projet d'une plus longue durée et dans un langage plus sensoriel centré sur cette histoire.
Xavier de Lauzanne a, dans sa carrière, réalisé plusieurs documentaires consacrés aux enfants et aux adolescents. Cette thématique s'est imposée à lui de manière spontanée, puisque c'est lorsqu'il oeuvrait dans l’humanitaire au Vietnam qu'il a pu approcher des associations soutenant l’enfance. Le réalisateur explique :
"Tout est parti de là, c’est un sujet qui est donc venu par le biais de rencontres. C’est peut-être aussi une forme de compensation au regard de mon propre parcours scolaire où je n’étais pas épanoui ? Je ne sais pas, c’est toujours très mystérieux. La rencontre avec le couple des Palières a donc été décisive. Ce sont eux qui m’ont mis le pied à l’étrier ; lorsque j’ai suivi pour la première fois Christian sur la décharge de Stoeung Meanchey, dans la banlieue de Phnom Penh. J’ai d’ailleurs utilisé ces premières images d’archives pour le film."
Xavier de Lauzanne a découvert la situation des enfants de Phnom Penh en allant sur la décharge. S'il connaissait bien sûr l’histoire du génocide perpétré par les khmers rouges, il était loin de se douter qu’il pouvait y avoir des enfants vivant dans de telles conditions sur cette décharge à ciel ouvert... "Je n’avais pas vu cette déliquescence de la famille au Vietnam, cette destruction des repères moraux qui sont, à coup sûr, liées au passé dramatique du Cambodge", confie-t-il.
Le réalisateur Xavier de Lauzanne explique ce qui l'a attiré chez ce couple, Christian et Marie-France, au-delà de leur engagement auprès des enfants : "Il y a une dimension émotionnelle dans ce projet qui m’a tout de suite bouleversé et qui, selon moi, tient à la nature du lien qu’ils ont su créer avec les enfants. S’ils sont appelés « Papy, Mamy » par ces jeunes, ce n’est pas pour rien. C’est que, comparé à d’autres structures institutionnelles, ils ont su créer un lien émotionnel, familial et affectif, puissant avec les enfants. C’est rare de rencontrer au sein d’une institution, l’existence d’un lien aussi fort !"
Une des raisons ayant poussé Xavier de Lauzanne à réaliser ce film tient à l’attitude du couple. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce dernier n'a jamais dit : "On va faire du bien pour les enfants !" ou encore : "On est à Paris, qu’est-ce que l’on peut faire, on veut faire le bien autour de nous ! Ah ben tiens on va aller au Cambodge !". C'est plutôt par hasard qu'ils sont arrivés au Cambodge et ont découvert la décharge en étant amenés sur ce lieu par les enfants des rues. Le réalisateur se souvient :
"Ce fut pour eux un choc émotionnel et visuel tellement fort qu’ils ont commencé tout de suite en distribuant des repas sur place. Et puis, ils se sont rendus compte que ce n’était pas très facile, à cause des odeurs, de la présence des mouches. Alors ils ont construit une paillote à la lisière de la décharge afin que les enfants puissent venir manger là... Voilà !"
Xavier de Lauzanne navigue dans son documentaire entre les images d’archives tournées par Christian depuis son arrivée au Cambodge et celles qu'il a réalisées lui-même. Il justifie ce mode de fonctionnement : "Christian a toujours eu un intérêt et une passion pour l’image et s’en est tout de suite servi pour chercher des financements. Je pouvais donc raconter toute l’histoire de façon très concrète grâce à ces archives. Leur puissance allait participer de l’émotion que je cherchais à transmettre. Il fallait faire ressentir un choc émotionnel et j’avais ce précieux matériau."
Xavier de Lauzanne a travaillé avec des techniciens cambodgiens. Christian avait, il y a quelques années, monté un centre de formation aux métiers du cinéma au Cambodge. Le metteur en scène confie : "Tous mes films ont été très difficiles à financer, celui-là n’allait pas déroger à cette règle, mais là, je savais que je pouvais compter sur l’appui en matériel et en compétences de l’école. J’ai donc tout de suite collaboré avec les élèves et les enseignants, surtout qu’il s’agissait, en plus, de raconter leur propre histoire. Et réaliser ensemble ce film, c’était aussi une manière d’être directement connecté aux activités de jeunes Cambodgiens."