Comme j’avais bien aimé « La Relève », j’étais impatient de visionner ce « Rocco », icône du cinéma porno et qui fait mouiller les jeunes actrices à l’idée de tourner une scène avec lui. Il se trouve qu’au moment du tournage, Rocco n’avait pas encore pris la décision d’arrêter son métier et c’est en cours de tournage que lui est venu sa décision de prendre sa retraite. Demaiziere et Teurlai tenaient là une exclusivité. Intérêt supplémentaire du film. Justement, d’aucuns se posent la question quant à la crédibilité du documentaire ou son flou qu’il peut dégager. Je m’y associe aussi. Je me demande si par moments ce documentaire ne s’est pas égaré par nécessité dans un scénario fictionnel. Et enfin, certains dénoncent qu’un seul point de vue : le bon côté du porno. Ces mêmes interrogateurs auraient aimé connaître la réaction de cette jeune débutante vêtue en infirmière qui semblait comme un peu perdue, prenant conscience que ce monde dans lequel elle désirait évoluer ne correspondait plus vraiment à ce qu’elle espérait. Mais ce n’est pas le propos du film. C’est Rocco le propos. Le centre névralgique du documentaire et tout le reste n’est que satellites. Il est évident que le monde qui le fréquente c’est du haut niveau. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’univers qui nous est donné à découvrir ne me semble pas glauque. Au contraire, tout est feutré, contrôlé, polissé, bien balisé. Ce qui ne signifie pas pour autant que ce monde porno, le monde de Rocco, soit facile. Les actrices tout comme les managers connaissent la trivialité de Rocco. Lui-même ne s’en cache pas. D’après ce que j’ai capté, Rocco n’est pas qu’un énorme sexe, c’est aussi une bête de scène qui ne s’impose aucune limite. Et comme toute star, Rocco n’échappe pas à ses démons et à ses contradictions. Il n’a rien non plus d’exceptionnel en tant que catholique qui dévie de sa morale. S’en accommode-t-il vraiment ? Je ne sais que penser. A l’entendre, il aurait deux visages : celui du bien, celui du mal. Mais qu’est-ce que le mal ? Son métier ? Non, la pornographie si elle est consentie, voulue est un art comme un autre. Sa sexualité ? Laquelle ? Celle exercée dans l’intimité avec sa femme ? Celle exercée avec ses partenaires dans un film ? Celle qui le pousse à commettre des actes qu’il dit lui-même le rendent parfois honteux ?
Comme le fait de jouir dans la bouche d’une femme de 70 ans alors qu’il venait d’enterrer sa maman ?!
Son sexe serait-il un démon ? Serait-il manipulé par son sexe ? D’aucunes pourraient lui dire : « Encore un qui trouve une excuse pour justifier ses perversions ! » La chance ou l’intelligence de Rocco Siffredi c’est d’avoir pu exprimer ses démons légalement en accomplissant son métier de hardeur. Mais à quel prix pour ses partenaires ? Nous ne le saurons pas. Celles qu’on nous montre semblent consentantes et impatientes de tourner avec lui malgré une réputation pas toujours flatteuse. Au-delà du sexe, et pourtant tout est relié à ce sexe, Rocco nous apparaît fragile, sensible, sincère dans sa confession et rempli de scrupules envers son métier, de la façon dont il exerce, et envers ses fils. Son langage est dénué de tout tabou et ça fait du bien. Cela dit, ce monde pornographique, celui que côtoie Rocco, est un peu terrifiant. Je reviens à cette jeune actrice débutante vêtue en infirmière, on parle de lui cacher sa dentition avec du scotche ! La caméra s’attarde sur elle pendant qu’elle regarde ses partenaires, elle est comme hagarde ; plus tard, elle semble en effet un peu perdue. Son rêve de devenir célèbre semble compromis et rempli d’obstacles. Interprète-t-on bien son regard ? N’est-elle pas tout bonnement éreintée ? Terrifiant quand Rocco plonge deux, trois quatre doigts puis sa main dans la gorge d’une autre actrice. Les larmes qu’elle verse sont certainement provoquées par les mouvements brutaux, par l’étouffement que par la douleur. Acte dont elle est à l’origine puisqu’elle invite Rocco à le faire. Terrifiant aussi cette photo d’une autre actrice qui dévoile son dos en sang parce qu’elle a accepté d’être lacérée, adepte du sexe brutal. Terrifiant dans la mesure où chacun peut ne pas se reconnaître dans cette sexualité. Une sexualité qui correspond à Rocco et en principe à ses partenaires. Enfin, pourquoi aussi tenir des propos désobligeants sur Mark Spiegler, directeur d’une agence de casting de 25 actrices ? D’aucunes le comparent à un maquereaux. On ne sait rien de ces filles et il n’est nulle question de plonger la tête dans le sable, il faut arrêter de voir le mal partout. Tout directeur de casting est alors un proxénète ! Non, je ne confonds pas les genres et ne polémique pas autour d’un rouge, ça tombe bien, je ne bois pas. Tout directeur de casting a un catalogue pour se faire de l’argent et peu importe pour quel département du cinéma il travaille. Je cite Virginie Despentes à propos de cet univers : « Ici, les femmes sont contentes du service rendu, les hommes bandent dur et éjaculent, tout le monde parle le même langage, pour une fois tout se passe bien. » Voilà, tout le monde parle le même langage, alors pourquoi chercher polémique là où il n’y en a pas. Le monde de « Rocco » peut paraître sordide à certains, moi même je découvre son monde, monde que je ne connaîtrais jamais mais en aucune façon je ne porterai un jugement moralisateur. Dans la mesure où se monde parle un même langage et s’y retrouve, a ses codes. Enfin, ce documentaire « Rocco » aborde très succinctement la place de la femme dans la pornographie. Ce ne sont pas toutes des jeunes fleurs. Il y a aussi de fortes personnalités en la personne de Kelly Stafford qui se revendique féministe quitte à en choquer la communauté. Je cite Wendy Mc Elroy, une féministe pro-sexe: « La pornographie est possible, personnellement et politiquement pour les femmes » Elle reproche au féminisme puritain « de détruire la liberté des femmes à disposer de leur corps et de leur sexe comme elles l'entendent, et d'imposer une idéologie sexuellement correcte dissimulée derrière de fausses préoccupations de bien et de justice. » Oui, Kelly Stafford est une femme intelligente et elle a su enrager par son argumentation Gabriela Galetta, cousin et réalisateur attitré de Rocco. Mais cette séquence était-elle scénarisée ? A voir pour satisfaire sa curiosité.