L’intrigue de Nos Années Folles est tirée d’une histoire vraie, relatée dans le roman "La garçonne et l'assassin : histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des Années folles", écrit par Fabrice Virgili et Danièle Voldman, paru en 2011. Histoire vraie qui a également inspiré la bande-dessinée Mauvais genre de Chloé Cruchaudet (aux éditions Delcourt, en 2013).
C'est la folie de cette histoire et son caractère baroque qui a donné envie à André Téchiné de l'adapter sur grand écran. Le metteur en scène voit ainsi Nos Années Folles non pas comme un biopic sur Paul Grappe, mais comme un biopic sur le couple qu'il forme avec Louise et qui va donner naissance à un enfant en la personne de Suzanne :
"C'était un récit d'une telle folie qu'il fallait inclure le mot "fou" dans le titre. Et en plus ça reposait sur des faits avérés. C'est tout à fait excitant pour un projet de cinéma. Après, c’est dans le travail avec Cédric Anger que j’ai essayé de dégager les lignes qui me paraissaient les plus intéressantes à partir de cette matière documentaire. Principalement, la création et la naissance de Suzanne, à partir du personnage de Paul le déserteur, qui se réfugie chez sa femme, Louise. La fabrication de Suzanne, ça va entièrement transformer leur existence et leur relation conjugale. Et là ce sont les chemins d’une aventure tout à fait inédite que ce couple va emprunter. Ils vont marcher vers l’inconnu."
André Téchiné voulait dès le départ éviter la reconstitution, pour des raisons de coût mais aussi parce qu'il ne voulait pas faire un film d'époque. Le cinéaste souhaitait davantage se centrer sur les sentiments des personnages.
Très tôt, André Téchiné a fait des essais perruque et maquillage avec Pierre Deladonchamps. Le réalisateur se souvient : "J’avais besoin de mettre à l’épreuve ces effets de mascarade qui faisaient vraiment partie du sujet. On a fait plusieurs séances, des essais de maquillage, et de perruque. J’ai résolu ça au fur et à mesure de la préparation, en me rendant compte que finalement il fallait confronter le personnage de Paul Grappe à tous ces essayages. Dans le film, on montre tout ce processus, on assiste à des transformations successives, à des corrections, des erreurs, à des choses qui ne marchent pas. A partir du moment où je rendais visible tout ce parcours ça devenait crédible, intéressant, vivant. Je tenais aussi beaucoup à ce qu’il y ait des scènes sans perruque, où la féminité n'est pas liée à cette prothèse."
En ce qui concerne les choix esthétiques, André Téchiné a, en compagnie de son directeur de la photographie Julien Hirsch, cherché à éviter le noir et blanc nostalgique. Le metteur en scène explique :
"Dans les films d’époque, on a tendance à éliminer les couleurs, alors qu'au contraire c'était une époque où les couleurs étaient éblouissantes. Je pensais à Vuillard, à Bonnard, aux Nabis. Ce travail sur les couleurs aussi bien dans les costumes que dans les décors a été mon idée fixe. Je voulais qu'elles soient le plus éclatantes possibles, même quand elles étaient noires comme dans la scène des tranchées. Je ne voulais surtout pas de la grisaille, et pas d'une lumière qui égalise les couleurs. Au contraire je tenais à dégager les lueurs et les ombres. Pas de lumière blanche qui dévitalise tout ce qu'elle éclaire."
Dans Nos Années Folles, la musique provient soit du spectacle de cabaret, soit des circonstances d’une scène et il n’y a jamais aucune « musique de film ». André Téchiné a voulu éviter les musiques d'accompagnement qui, dans les films, "tombent du ciel et soulignent les intentions". Le cinéaste confie :
"Avant le tournage, avec Alexis, on avait déjà mis au point pas mal de musiques, comme celle de la fête chez le comte, ou cette espèce de valse d'automate, qui est liée à la création de Suzanne, et dans la dernière partie, à sa dislocation. Ce sont des musiques de source ou des musiques décalées. Je tenais beaucoup aussi à la présence de chants dans le film. Une chanson populaire Auprès de ma blonde, l'hymne national la Marseillaise, mais aussi un lied de Schubert et une mélodie jazzy de Bessie Smith. Et puis il y avait aussi les musiques composées pour les parties dansées du cabaret, depuis la marche militaire jusqu'au tango en passant par la valse."
André Téchiné voit le personnage de Louise (Céline Sallette) comme une femme éperdument amoureuse qui va tenter de protéger l'homme qu'elle aime en le cachant et le déguisant en femme pour qu'il ne ressemble pas au déserteur recherché.
"Tout cela est très clair dans un premier temps. Et elle va peu à peu être dépassée par le chemin qu'il va prendre. Elle, elle travaille la journée, lui passe ses nuits au Bois. Tout à coup c'est une vie complètement nouvelle. Elle essaye de le suivre mais leurs fantasmes ne sont pas compatibles. Ils vont s’éloigner. Alors que lui vit une sorte de bonheur en conciliant ses appétits sexuels d'un côté, et son amour pour elle de l'autre, elle ne trouve pas son compte dans cette alternance, elle peine à le suivre dans ses aventures, et surtout dans la prostitution. Là il y a une forme d'aliénation amoureuse, mais qui va se muer en oppression, parce qu'elle accepte pour lui de faire des choses qui ne correspondent pas à son désir. C'est cette femme opprimée que je voulais montrer jusqu'à son passage à l'acte."