Il est des films dont on ne sait absolument rien mais dont le titre et l’affiche intriguent au point d’aller le visionner (un peu comme un vinyle au visuel marquant acheté au hasard). « Espèces menacées » est de ceux-là entre un tire accrocheur et un visuel original, je n’ai pas su résister à l’appel.
Et puisque l’on parle esthétisme, dès les premières images, la photographie de Mark Lee Ping Bin flatte la rétine. Elle est vraiment superbement travaillé, les plans sont recherchés, la colorimétrie est modifiée en fonction des émotions véhiculées. C’est tellement beau qu’il y a parfois un fort décalage entre la beauté de l’image et la banalité de certaines scènes comme celle où l’on voit assiste au changement d’une ampoule d’éclairage routier.
Ne boudons pas notre plaisir visuel, cet écrin est appréciable même lorsqu’il est purement contemplatif et qu’il ne sert pas l’histoire !
Bon, me direz-vous, c’est bien beau (justement), mais l’intrigue dans tout cela? Si le film a la couleur (noire) et l’aspect (brut) et même le goût (amer) d’un film « choral », Gilles Bourdos a volontairement choisi de ne pas céder complètement aux règles du genre. Par conséquence, les destins des différents personnages sont certes entremêlés, mais il n’y a pas de passage qui les unit tous comme on pourrait si attendre. Cela perturbe nos repères mais semble pertinent au vu du réalisme de l’histoire et de la perdition des êtres qui habitent le film. Les actes de gens, qui ne se connaissent pas, peuvent avoir des liens et des répercutions sur la vie d’autres humains. Nous sommes tous interconnectés de façon plus ou moins proche, quand bien même les hasards de la vie ne permettent que rarement de pouvoir l’évaluer. Cet aspect du scénario peut sembler frustrant, pourtant un peu de pragmatisme ne peut pas faire de mal. D’ailleurs, ça n’est pas sur point que le film pèche.
L’imbrication de la multitude de tranches de vie montre parfois ses limites quand le film ne fait qu’esquisser certaines d’entre elles. S’il fallait bien faire des choix, pourquoi détailler à outrance certaines histoires sans aller plus loin par la suite ? Ce déséquilibre, qui semble mal maitrisé, réduit considérablement la consistance du film.
C’est d’autant plus dommage que le casting (constitué de ce que l’on appelle communément des seconds couteaux) nous livre une prestation de qualité. Le trio Alice Isaaz, Vincent Rottiers et Grégory Gadebois est tout bonnement excellent, le reste de l’équipe n’est vraiment pas en reste ! On s’attache au point d’être récolté ou amusé suivant les situations et l’on suit les évènements capitaux ou anecdotiques avec intérêt.
Il est bon de noter l’originalité du film : la ville de Nice semble partie intégrante du casting. Elle nous est montrée de façon fort singulière. En lieu et place des endroits connus, nous découvrons des échangeurs routiers, des villas sublimes qui semblent abandonnées, mais aussi les coulisses du fonctionnement de la ville (élagage des palmiers). Nous sommes loin de l’image de carte postale. En cette période hors saison, la capitale Azuréenne semble totalement différente et offre un décor parfait à l’intrigue tordue et brouillée… Comme le sont les relations entre les différentes générations qui se retrouvent toutes sur un point : la perdition sentimentale.
Est-ce en cela que nos espèces de tous âges sont menacées ?