Sound of Metal : les secrets du tournage

Le réalisateur de Sound Of Metal a souhaité favoriser l’accessibilité du film à tous les publics. Les dialogues sont donc sous-titrés et accompagnés de descriptions sonores.

Sound Of Metal est le premier long-métrage de fiction de Darius Marder, qui s'est fait remarquer en 2012 avec le scénario de The Place Beyond The Pines : « [Ce film] représente pour moi une période de merveilleuse collaboration avec Derek Cianfrance. Parallèlement à l’écriture de son film, nous travaillions également sur un projet impliquant deux personnages dans un groupe de musique, l’embryon de Sound Of Metal ». À l'époque, Marder avait tenté de convaincre Cianfrance de réaliser ce projet, avant de finalement l'écrire et le mettre en scène lui-même.

La grand-mère de Darius Marder a perdu l’audition après avoir pris des antibiotiques. Cinéphile et mélomane, elle s'est retrouvée « piégée dans ce no man’s land entre le monde sourd et le monde entendant ». Elle s'est d'ailleurs battue par la suite pour que les films soient sous-titrés pour les sourds et malentendants.

Le réalisateur a choisi de dire non à beaucoup de comédiens, même à ceux qui auraient pu l’aider à financer son film. Il n'avait pas en tête Riz Ahmed quand il a écrit le scénario mais le rencontrer a été une évidence : « j’ai vu en Riz une personne avec son propre monde intérieur, avec une authenticité et une générosité dans le regard. J’ai tout de suite vu un lien entre lui et le personnage de Ruben, comme dans leur approche de la dépendance, qui n’est pas seulement une question de manque, mais surtout une manière de combler un vide ».

D'origine britannique, Riz Ahmed et Olivia Cooke jouent dans Sound Of Metal des Américains. Un hasard dont s'amuse Darius Marder : « [c'] est une histoire profondément américaine. Le film raconte la manière dont l’isolement est vécu aux États-Unis, avec notre petit rêve américain qui nous enferme dans un cocon, matérialisé dans le film à travers le camping-car du couple ».

Darius Marder tenait absolument à ce que ses comédiens apprennent la musique afin de les immerger dans l'univers du film et leur permettre de se sentir libres de prendre des risques. Ainsi, lors de la première scène, Riz Ahmed et Olivia Cooke jouent face à un vrai public, sans plans de coupe ni doublure : « J’ai souhaité les mettre au défi d’atteindre la meilleure performance possible, qu’ils aillent au bout de leurs limites ». Pour Ahmed, qui a aussi appris la langue des signes, cette implication était nécessaire : « Le personnage était sur le papier si différent de moi, si différent de ma vie, que je sentais que le seul moyen de me l’approprier était de vivre comme lui, de jouer de la batterie tous les jours, pendant plusieurs heures, et de pratiquer pendant six ou sept mois ».

Darius Marder a choisi de tourner en pellicule afin de ne pas avoir le confort des coupes que la vidéo permet : « Tourner en pellicule permettait d’augmenter l’intensité et l’énergie de tout le monde sur le plateau ».

D'ordinaire traité en post-production, le mixage sonore de Sound Of Metal a été élaboré en amont du tournage, entre le réalisateur et l'ingénieur du son Nicolas Becker. « Nous avions besoin d’expérimenter, notamment en plongeant des micros sous l’eau, pour créer de toutes pièces l’immersion du public dans des couches de fréquences, des acouphènes… » Le directeur de la photographie les a ensuite rejoint pour établir comment le son et l’image devaient se répondre. Riz Ahmed se souvient : « Nicolas Becker est un savant fou. Entre les prises, il pouvait tout d’un coup sortir son micro et commencer à enregistrer ma digestion. Il s’assoit là et enregistre votre estomac qui gargouille, ou vos yeux qui clignent, ou votre bouche qui déglutit. Toutes ces idées et façons de développer ce paysage sonore sont incroyablement complexes, mais le rendu est si élégant qu’il semble presque simple, intuitif, alors qu’il y a un nombre incalculable de pistes audio qui se superposent dans le mixage sonore de ce film ».

Le son a été enregistré durant sept semaines dans le studio de Carlos Reygadas, le Splendor Omnia, au Mexique. Darius Marder et son équipe ont aussi enregistré en France, ainsi qu’à Los Angeles dans le studio de Mario Caldato Jr., qui a travaillé avec les Beastie Boys.

Riz Ahmed a appris la batterie auprès de Kylie Carter, qui a développé un logiciel pour aider les gens à apprendre à jouer de cet instrument, et de Sean Powell — le batteur du groupe Surfbort, que l'on peut voir dans l'une des premières scènes du film vendre du merchandising — qui lui a permis de mieux comprendre la psychologie obsessionnelle des batteurs. Olivia Cooke a appris la guitare aux côtés de Margaret Sade of Fancom, ainsi que le piano et un peu de français pour les besoins du film. Cependant, elle précise avoir tout oublié une fois le tournage achevé : « Je ne pourrais pas rejouer de la guitare comme dans le film, alors que je peux me voir en vidéo en train de le faire. Tout était si intense, que j’ai dû inconsciemment tout abandonner du personnage une fois que les scènes étaient imprimées sur pellicule ».

Quant à la langue des signes, Ahmed l'a apprise grâce à Jeremy Stone : « Quand on engage tout son corps dans le langage, on devient beaucoup plus expressif. Les personnes sourdes disent souvent que les personnes entendantes ont un blocage émotionnel vis-à-vis d’elles. Je l’ai compris, et cela m’a aidé à appréhender physiquement le rôle de Ruben ».

Riz Ahmed a utilisé des implants pour de nombreuses scènes afin de simuler la perte auditive. Ils produisent un bruit blanc puissant, qui l'empêchaient même d'entendre sa propre voix. L'acteur souligne : « Bien sûr, je ne pourrais jamais savoir ce que c’est que d’être complètement sourd, mais les implants ont contribué à créer certains des effets secondaires de la surdité, et c’était intense ».