Nothingwood n’est pas un lieu mais un homme, illuminé de sa lanterne magique. Une lumière dans un tunnel, mais que les habitants voient comme une aube.
Un rôle rêvé pour Shaheen : pitre, gourou, magicien, leader, c’est une vraie sangsue du regard collectif. A la fois éclairant et éclairé, Shaheen récolte plus de gratifications pour son ego que n’importe quelle star d’Hollywood. Il se montre même addict quand, dans une scène douloureuse, des afghans relatent leurs expériences de civils en guerre et qu’il ramène inlassablement le sujet sur lui-même… un brin exaspéré.
Mais à la différence de l’histrion commun, Shaheen profite à la communauté. Dans son costume de lumière, il semble évoluer en toute sécurité. Même les talibans s’échangent ses DVD sous le manteau.
Le génie du cinéma Low Cost ne prétend à rien en termes de cinéma. Il divertit et le public est à fond, malgré ou grâce aux coutures grossières de son cinéma. À Nothingwood, un acteur peut, sans raison scénaristique, commencer une scène sur ses jambes et la finir sur des cannes anglaises. Des faux-raccords qui touchent les afghans.
La voix off un peu fatiguée de Sonia Krondlund (la réalisatrice) contraste avec Shaheen. Comme une occidentale en doute cherchant une voie dans un Orient moins rationnel.
Pour Shaheen, Sonia Kronlund est un nouveau moyen de s’éclairer. Il devient visible pour le reste du monde et il fait connaissance avec l’occident. S’établit entre eux une dynamique de compréhension à pas feutrés, de rires/sourires partagés, voire d’affection mutuelle (dans les limites du raisonnable en Afghanistan).
Mais plus que le dialogue orient/occident c’est le rapport histrion/observateur qui se dénoue. Au départ, lui joue au centre, elle capte en périphérie. Mais il l’attire, dealant un peu de l’attention absolue de sa Cour pour un bien plus précieux. Amoureux ? Peut-être. Mais attirer à lui celle qui connait le regard excentré peut aussi être une raison. Les secrets de tournage en donne une troisième : « Alexander Nanau [chef op] a un jour pris l’initiative de la mettre dans le cadre, et tous les deux ont alors pensé qu’il s’agissait de la bonne solution ». Presque un hasard donc.
Quelles qu’en soient les raisons, elles étaient bonnes, car Sonia Kronlund féconde le film quand elle apparait, rajoutant une strate supplémentaire à ce qui n’en manquait pas. Gage qu’elle finit par aimer son foulard rose flashant sur les tenues sombres et le paysage ocre et blanc.