Dérangeant et transgressif, “Grave“ étonne par son audace et sa réussite gore, sans précédent dans le cinéma hexagonal. Mais ce n’est pas uniquement dans le genre horrifique qu’il se distingue: ce « teen-movie » maintient constamment notre attention sur la jeune étudiante Justine, qui quitte un cocon familial préservé vers un univers étudiant inconnu synonyme de dangers perverses et nocifs, qui la mettront face à ses limites, qu’elles finira par franchir vers l’extrême. Que ce soit dans la description de son personnage principal, de la découverte de son corps, de la sexualité et de sa nature profonde, ou dans la manière dont la réalisatrice traite du bizutage et de la relation familiale complexe, J.Ducourneau maitrise parfaitement son histoire, cohérente et crédible, sa démarche auteuriste et brute, volontairement perverse, libre et sans tabou, n’édulcore jamais son propos, en y ponctuant d'ailleurs souvent d’humour. Fort de ce postulat, le film aurait presque pu se passer de son côté gore tant son histoire de fond est forte et intrigante. Mais ce qu’on retiendra avant tout, c’est évidemment le coté horrifique vers le film bascule lentement mais sûrement, poussant le curseur du mystérieux vers l’effroi. Les plans (qui montrent parfois clairement et suggèrent beaucoup), les séquences, le rythme, un scénario sans limites, la direction d’acteurs (et de leurs corps): tout est parfaitement maîtrisé, suffisamment pour garder des frissons bien après la projection. La manière trash et tordue n’est pas sans rappeler D.Cronenberg à son meilleur. Jeune inconnue, G.Marillier se livre sans compter aux dérives de son histoire, avec une sensibilité, une certaine fraicheur et liberté de ton qui rendent sa prestation poignante et mémorable. E.Rumpf, qui interprète sa soeur, apporte par sa prestation remarquable et son personnage torturé, une touche psychotique essentielle. “Grave“ réussit avec une décomplexion étonnante et franche, à tenir la double barre haute à un teen-movie cohérent sans aucune sensiblerie, et à un film gore efficace sans édulcorant. Un film aussi intrigant que répulsif, qui remue autant qu’il attire, qui touche au plus profond de notre ... viande de carnivore de cinéma.