Alain Gomis a voulu faire ce film pour parler de femmes courageuses dont il est proche, qui n'acceptent pas la compromission et ne plient pas sous les coups. A cela est venu se greffer l'accident de l'un de ses jeunes cousins qui a perdu sa jambe (parce que mal soignée). Le réalisateur confie : "L'histoire de ce gosse était aussi liée à celle de sa mère que l'on soupçonnait de pratiques obscures. Cette réalité simple qui confronte l'invisible au quotidien est à la base du film. J'avais envisagé alors une sorte de Faust... et puis j'ai rencontré la musique du Kasai Allstars qui contenait tout cela."
Félicité est le premier film d'Alain Gomis centré sur un personnage féminin. Le metteur en scène justifie ce choix par le fait qu'il voulait se sentir moins proche de son personnage principal pour moins maîtriser les choses et changer de territoire.
C'est en visionnant une vidéo du groupe congolais Kasai Allstars qu'Alain Gomis a découvert Muambuyi, une chanteuse. Sa voix et sa personnalité ont permis au réalisateur d'imaginer une histoire autour de la lutte quotidienne d'un personnage féminin. Mais Muambuyi étant trop âgée, il a préféré choisir quelqu'un d'autre. Au départ, Gomis voyait Véronique Beya Mputu dans un petit rôle parce qu'il la trouvait trop jeune et trop belle pour incarner le personnage principal, puis la comédienne (qui avait fait du théâtre) s'est petit à petit imposée dans la peau de Félicité.
L'action de Félicité se déroule à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo comportant plus de 12 millions d'habitants. Alain Gomis ne connaissait pas cette ville qui lui procurait un sentiment de peur et de fascination. C'est le côté contradictoire de cette mégalopole qui a poussé le cinéaste à y poser sa caméra (Kinshasa est à la fois très riche au niveau des ressources naturelles mais très pauvre économiquement) et également ce faux article de la constitution disant "Débrouillez-vous".
"Il me semblait que ces personnages, sans structures pour les soutenir, avaient la puissance de personnages presque mythologiques. Face à eux-mêmes et rien autour pour les amortir. J'avais des personnages nus et du coup, d'une force rare", note Gomis.
Dieudo Hamadi, un jeune documentariste congolais, a pu mettre en contact Alain Gomis avec le régisseur producteur Roger Kangudia qui a pu aider le metteur en scène à trouver les lieux qu'il voulait filmer à Kinshasa. "Le coeur de la possibilité d'un film dans ce genre de cas, c'est la régie et la production exécutive, en l'occurrence Oumar Sall, le coproducteur sénégalais. S'ils sont bien connectés, savent se mouvoir dans les différents endroits où on espère tourner, s'ils savent discuter, intégrer la population au film, on peut filmer partout."
Le groupe Kasai Allstars, qui a créé une musique traditionnelle qui s'est urbanisée, alliant tradition et modernité, a aussi joué quant au choix de Kinshasa comme cadre spatial de Félicité. Pour Alain Gomis, cette musique incarne parfaitement la ville africaine.
Le roman La Route de la faim du romancier et poète nigérian Ben Okri relatant le parcours initiatique d'un jeune garçon "enfant esprit" (refusant de vivre sur terre et faisant le pacte de mourir le plus rapidement possible pour retourner dans un monde merveilleux) a servi de référence à Alain Gomis pour son film. C'est l'acteur et musicien Saul Williams (il avait le rôle principal dans Aujourd'hui) qui avait fait découvrir le livre au cinéaste.