Le film s'appelle Place publique mais se passe dans un jardin privé. Pour Jean-Pierre Bacri, cet espace peut devenir une place publique grâce aux réseaux sociaux. Le comédien/scénariste et Agnès Jaoui voulaient parler de cette nouvelle frénésie de vouloir se faire reconnaître à tout prix, même de son groupe d’amis, par un like sur Facebook, qui par exemple valide le petit-déjeuner que l’on vient de filmer et de poster…
Jean-Pierre Bacri avait déjà joué avec Kévin Azaïs dans Le Sens de la fête sorti en 2017. Éric Viellard est quant à lui un ami de longue date d'Agnès Jaoui depuis le Cours Florent. Cette dernière a par ailleurs rencontré Helena Noguerra sur "Rio-Paris", un spectacle de chansons brésiliennes avec Nathalie Dessay. Sarah Suco jouait quant à elle sa fille dans le récent Aurore. La réalisatrice poursuit au sujet du casting : "Nina Meurisse, c’est notre fille de cinéma depuis Au bout du conte, sa gentillesse et sa simplicité transparaissent à l’image, je trouve. On avait déjà retravaillé avec elle au théâtre, sur la reprise de nos pièces, où Léa Drucker nous a également prouvé l’incroyable actrice qu’elle est. En racontant une fête, on savait qu’on pourrait faire tourner plein de copains avec lesquels on avait déjà travaillé : Frédéric Pierrot, Olivier Doran, Grégoire OEstermann, Sam Karman, Evelyne Buyle…"
Avec Palce publique, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri se sont amusés à se moquer de la célébrité sur les réseaux sociaux. "On ne s’acharne pas non plus sur les réseaux sociaux, tout le monde en prend pour son grade. Il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre", confie le second, la première poursuivant : "D’autant plus que certains youtubeurs ont de l’ambition et font des choses vraiment bien. Il y en a même qui s’engagent. Les réseaux sociaux démocratisent et facilitent l’accès à la célébrité. Ce qui fait que les gens de la télé comme Castro perdent terriblement de leur pouvoir et deviennent presque has-been. Les jeunes ne regardent plus la télé, la donne est totalement modifiée."
A l'origine, lorsque le projet était en phase d'écriture, Agnès Jaoui n'était pas sûre de jouer le personnage d'Hélène, et pensait qu'elle pourrait se glisser dans la peau de sa soeur Nathalie, la productrice. Mais au fur et à mesure de l'écriture, Jaoui s'est imposée en Hélène. "Ça nous plaisait aussi d’avoir beaucoup de scènes ensemble, de jouer des ex et de brouiller les cartes car tout ce qu’on leur fait dire est intégralement faux ! Ça m’amuse de penser que les gens vont peut-être se demander si c’est vrai que tu me trompais tout le temps…", confie la cinéaste.
L'envie de situer l'intrigue du film uniquement dans un jardin est venue à Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri de l'expérience d’Au bout du conte où il y avait cinquante-trois décors différents. "On ne se rend pas compte à quel point chercher des décors prend du temps et coûte de l’argent, et j’ai dit à Jean-Pierre : « Plus jamais ! » D’où cette contrainte d’un lieu unique pour Place publique alors qu’habituellement, je ne pense pas à la mise en scène à l’étape de l’écriture", précise Jaoui.
Côté références cinématographiques, Agnès Jaoui à montré trois films à ses collaborateurs avant le tournage de Place publique : Un mariage de Robert Altman, Partition inachevée pour piano mécanique de Nikita Mikhalkov et La Règle du jeu de Jean Renoir. "Evidemment, on a aussi vu des films qui se passent en une soirée comme The Party de Blake Edwards, mais mes trois références étaient celles-ci", précise la réalisatrice.
Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri ont choisi Mister V après avoir regardé pas mal de vidéos de youtubeurs. "Le public des plus de vingt-cinq ans ne le connaît pas, mais pour les autres, c’est le plus célèbre de notre distribution. Mes enfants ont d’ailleurs trouvé incompréhensible qu’il fasse mon film de vieux !", s'amuse la cinéaste.
Place publique marque la cinquième réalisation d'Agnès Jaoui après Le Goût des autres, Comme une image, Parlez-moi de la pluie et Au bout du conte. Jean-Pierre Bacri était à l'affiche de tous ces longs métrages.
Dans le film, on entend Castro/Jean-Pierre Bacri chanter "Les Feuilles mortes", un titre écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma. Agnès Jaoui savait que son ex-compagnon chante très bien et voulait même lui faire pousser la chansonnette dans un film depuis longtemps. Elle se remémore : "Et à un moment, j’ai réentendu Les Feuilles mortes et je me suis dit : « Quelle chanson dingue, qu’est-ce que j’aimerais la mettre dans un film. »" Cette chanson fait par ailleurs écho au sujet du film, au temps qui passe.
Mettre en scène la sensation de continuité de cette journée a été difficile compte tenu du fait qu'il pleuvait beaucoup pendant le tournage. L'été 2017, durant lequel Place publique a été tourné, était même le plus "pourri" depuis trente ans ! Agnès Jaoui se souvient : "Il a donc fallu un peu faire preuve d’imagination pour faire croire à la continuité de cette journée d’été. Heureusement que l’on avait écrit que la pluie tombe en milieu de journée, ce qui permet de justifier les variations de lumière. Et puis Yves est vraiment un magicien, qui arrivait à recréer le soleil alors qu’il pleuvait en réalité des cordes ! On a donc joué avec les nuages, le talent d’Yves et le peu d’importance finalement du réalisme au cinéma. En revoyant Un mariage d’Altman, c’est hyper intéressant de voir que soudain il fait plus jour, plus nuit ou plus gris, sans réelle cohérence, et que ce n’est pas grave !"