Razzia se déroule à deux époques, au début des années 80 et en 2015. La première période correspond au Maroc à une accélération des réformes de l’arabisation qui avaient démarré dans les années 60 et qui exprimaient alors une volonté du pays de réappropriation de son identité à travers la langue. En 1982, les trois pays du Maghreb ont connu une généralisation de l'arabe, qui s'est notamment faite par un enseignement pratique de l’arabe classique. Au Maroc, les humanités ont été supprimées du cursus universitaire. "(...) la philosophie et la sociologie ont disparu et, ainsi, il y a eu une forme d’anéantissement de l’esprit critique. On voit les dégâts que cela a pu produire trente ou trente-cinq ans plus tard avec la génération qui est issue de cette réforme", explique le réalisateur.
Quant à l'année 2015, celui-ci poursuit : "Elle a été le goulot d’étranglement des contradictions d’une société qui, par essence, se trouve dans le paradoxe d’un conflit flagrant entre tradition et modernité. (...) L’interdiction très violente (et illégale) de Much Loved, assortie d’une vindicte populaire et de toute une série de manipulations, mais aussi, en même temps, un concert de Jennifer Lopez qui déclenche un tollé chez les islamistes, des homos qui se font lyncher, des filles qui portent une jupe et se retrouvent inculpées, jugées…"
Les personnages de Razzia ne parlent pas tous la même langue. Ainsi, Hakim s'exprime dans un arabe de tous les jours, un argot de rue tandis qu'Inès, qui grandit dans un quartier riche, ne s'exprime qu'en français. Pour le réalisateur, "la langue est à la fois une barrière, une frontière et un marquage. Ces personnages sont marqués, dans une diversité, par une langue qui les définit."
La ville de Casablanca représente un personnage à part entière dans Razzia. Le réalisateur, qui est né à Paris et a grandi à Sarcelles, n'avait pas vraiment de point d'ancrage à Casablanca jusqu'à ce qu'il décide de s'y installer à l'âge de 30 ans : "Au fur et à mesure, je rencontre la ville qui devient celle où je me sens véritablement chez moi. Casablanca est sale, bruyante, agressive, elle tourne le dos à la mer, elle est désordonnée, il n’y a aucun schéma directeur urbain, et, en même temps, elle est d’une richesse incommensurable. (...) Casablanca est rebelle parce qu’elle ne se donne pas. Il faut la prendre, la vivre ou, en tout cas, essayer. J’aime la montrer, cette ville, en faire un personnage."
La musique de Queen est très présente dans Razzia. Pour le réalisateur, Freddie Mercury représente un "modèle que j’ai pu avoir à un moment où, comme tout le monde, je me cherchais une identité. Le jour où on comprend, comme moi après avoir porté avec difficulté le fait de n’appartenir à aucun clan, que l’on est pas obligé d’avoir une seule identité mais qu’on peut vivre avec plusieurs, on se sent déjà beaucoup mieux. Et puis l’explosion de Freddie Mercury a coïncidé avec mon propre coming out sur le monde. J’avais envie de lui rendre hommage à travers l’idée qu’un gamin de la Médina de Casablanca ait pour modèle un type comme Freddie Mercury."
Le précédent film de Nabil Ayouch, Much Loved, a suscité une vive polémique à sa sortie, au point d'être interdit au Maroc. Si le tournage de Razzia n'a pas été gêné par les autorités, le réalisateur a toutefois été confronté à plusieurs incidents, comme "des décors qui tombent à la dernière minute, des seconds rôles qui font défaut, des syndics d’immeuble qui nous refusent l’accès, de l’agressivité, de la méfiance…"
Maryam Touzani a écrit Razzia à quatre mains avec son compagnon, le réalisateur Nabil Ayouch. Elle tient également l'un des rôles principaux du film. Il s'agit de sa première expérience d'actrice : "quand Nabil m’a proposé d’incarner cette femme, j’ai eu très peur. En premier lieu, parce que je n’avais jamais joué, même si, en écrivant, j’avais quelque part envie d’être cette femme. Avant qu’il me propose le rôle, je n’en avais jamais parlé à Nabil, pour ne pas le mettre dans une situation délicate. Ensuite, j’ai eu peur parce que je ne voulais pas le décevoir en n’étant pas à la hauteur du personnage que nous avions écrit ensemble. Ce qui m’a rassurée, c’est que je peux être très admirative de son travail, notamment comme directeur d’acteurs, mais je sais aussi qu’il ne fait jamais de compromis et qu’il ne m’aurait jamais donné le rôle pour me faire plaisir."
Maryam Touzani interprète une femme enceinte qui hésite à garder son enfant. Par une troublante coïncidence, l'actrice a découvert sa grossesse pendant le tournage : "(...) j’ai dû porter un faux ventre et, cette fois encore, je jouais sans savoir que j’étais enceinte. Ce n’est pas anodin car, ce ventre, je m’y suis attachée et je l’ai même gardé: il est encore à la maison dans une boîte. (...) Et c’était encore plus troublant quand nous avons tourné la scène au hammam quand Salima tente de se faire avorter en se faisant masser. C’est précisément la veille que j’ai appris que j’étais enceinte de deux mois. Or, Nabil avait engagé une femme dont c’est le travail, dans la vraie vie, de pratiquer des massages comme celui qu’on voit dans le film. Avant de commencer la scène, il est allé la voir pour lui dire que j’étais vraiment enceinte. La femme était comme paralysée, terrorisée à l’idée de me toucher, mais il fallait bien tourner la scène… Ce qui est vertigineux, c’est qu’à un jour près, nous aurions pu tourner la scène, et que j’aurais pu perdre l’enfant, avant même d’avoir eu conscience de ma grossesse."